Si MS Lauryn Hill a fait montre de courage en maintenant la programmation de son concert à Carthage alors que d’autres artistes étrangers ont choisi d’annuler leurs spectacles après l’attentat de Sousse, elle aura toutefois provoqué un tollé général auprès du public hier soir, qui a poireauté de 22h jusqu’à minuit moins quart sur les gradins dans l’attente de la star.
En effet, les nerfs à vif après un retard de près de deux heures , les festivaliers, venus en grand nombre, ont exprimé leur grogne et leur fureur par des sifflements et des huées au début de la performance. Ils ont également vilipendé la direction du festival qui, même en l’absence d’une réaction à chaud, a tenu à s’excuser auprès de son public en le rassurant que ce genre d’incidents n’intègre pas la responsabilité de la direction et ne se reproduira plus.
Finalement quand Lauryn Hill débarque au Théâtre Antique de Carthage avec une garde armée et rapprochée, les foudres des spectateurs se sont abattus sur elle et sur ses musiciens. Brûlant d’énergie, impassible aux “Dégages” scandés en chœur par le public, elle se contentera, en premier temps, de leur dire “Nous sommes là maintenant” et d’entamer son concert par un solo et un a capella.
Quand la célèbre chanteuse américaine entame sa performance au micro, elle parvient magiquement avec les premières envolées de sa voix suave à contenir la grogne du public et à apprivoiser les plus coléreux des spectateurs, en leur offrant, à travers la force expressive de sa musique Live, un bain métissé de sons, aux rythmes des cuivres.
Au fur et à mesure qu’elle enchaînait l’interprétation de ses tubes les plus connus comme “Mr Intentionnal”, les morceaux de la soirée sont taillés pour faire vibrer les gradins : le public d’abord surpris s’accommode bien des nouvelles orchestrations et se lève pour danser et entonner avec Lauryn Hill des paroles mille fois entendues.
Réussissant finalement à créer la complicité avec son public déjà traversé par l’excitation et le plaisir jubilatoire de voir une star si rare en concert, l’artiste entame une reprise musclée de Soul Rebel qu’elle enchaîne avec “Everything Is Everything”.
Elle déroule ensuite ses morceaux rap (Lost ones, Ex- Factor…) avec une vitesse et une présence incroyables, c’est un peu assommé qu’on revient à des tempos plus rapides.
Arrivée à contenir la colère d’un public furieux et à réacquérir son regard admiratif, Ms.Hill fait des pas de danse et se lance dans un moment “Fugees” avec “Ready Or Not”, “Fu-Gee-La”, et “Killing Me Softly”.
Débordant d’énergie, l’Américaine ne cesse de recadrer musiciens et techniciens à coup de signes de mains. Elle dirige son groupe avec fermeté, organise les breaks et les montées de gamme avec beaucoup d’aisance.
Vers la fin du concert, c’est une Lauryn Hill sereine et plus détendue qu’en début de concert, qui lance au public une phrase laconique en guise d’excuses pour les désagréments du retard “On vous aime, On vous respecte, merci pour votre patience” avant de plonger le public dans l’univers Bob Marley avec des tubes du maître à l’instar de “Jamm’in”,”Could you be loved”, “Get up stand up”.
Vers 02H00 du matin et après un concert magistral qui a duré plus de deux heures sans interruption (au lieu d’une heure et demi), Lauryn Hill se rattrape et clôt la soirée avec son single Doo Wop (That Thing).
Le public quitte les lieux indécis. Il est tiraillé entre un sentiment d’humiliation de la part de l’ex-Fugees et d’émerveillement face à un concert de haute voltige. Une chose est sûre, le passage de l’artiste restera gravé dans les mémoires des mélomanes et des organisateurs qui ont frôlé la déprime.