Les décisions se sont multipliées au lendemain de l’opération terroriste de Port El Kantaoui. Que ce soit celles prises par la cellule de crise autour du chef du gouvernement ou celles prises par le Conseil de sécurité autour du président de la République dimanche dernier. BCE avait déjà donné le ton vendredi sur le lieu du crime en annonçant des décisions «qui vont faire mal».
Ce n’est pas la première fois que le terrorisme nous frappe, et ce ne sera malheureusement pas la dernière…! Ce qui est demandé aujourd’hui des Tunisiens et de leurs dirigeants, c’est d’aller frapper au cœur, aller aux «couveuses» -comme les appellent les spécialistes- et ces couveuses sont diverses et variées et parfois au sein même de notre tissu social…
Bien que la décision de fermer immédiatement les mosquées hors de contrôle soit une des bonnes décisions, il faut remarquer tout de suite que les apprentis terroristes peuvent facilement trouver le même discours haineux et appelant au meurtre dans bien des mosquées «autorisées» mais tenues par des imams intolérants et appelant au jihad contre les Tunisiens qui ne sont pas de leur avis. Ces imams se trouvent au vu et au su de tout le monde dans certaines mosquées de Sfax, de Msaken, de Tunis et sa banlieue, et même sur les ondes de radio Zitouna pourtant faisant partie du service public audiovisuel.
La couveuse électronique n’est plus à démontrer. Seifeddine Rezgui, l’auteur de l’attentat de Sousse en est un pur produit. Les pages jihadistes pullulent sur les réseaux sociaux et les sites sont légions. Il est compréhensible eu égard au principe de la liberté d’expression de la sensibilité de parler de censure électronique, mais là il est question de sécurité nationale. Nous sommes en droit de demander une action rapide et soutenue contre tous ceux qui déversent leur haine et leur venin à la portée de beaucoup de jeunes influençables à souhait et déboussolés par le monde qui nous entoure.
La couveuse est également politique. Il n’est pas de doute que l’engagement de certaines parties politiques tunisiennes pour le jihad en Syrie et les facilités octroyées pour enrôler les jeunes nous font subir aujourd’hui l’effet boomerang de ceux qui reviennent de l’enfer syrien. Il nous faut dire aujourd’hui clairement et publiquement combien ceux-là ont nui à la Tunisie et il nous faut toute une stratégie pour combattre efficacement les bombes à retardement de ceux qui sont revenus en catimini.
La couveuse est essentiellement culturelle et «cultuelle»! Le sujet est certes sensible diplomatiquement mais les DAECH et compagnies véhiculent un discours religieux «wahhabite» clairement établi. L’Arabie Saoudite, qui en fait une religion d’Etat, est la première de ses victimes avec ses sœurs du Golfe qu’elles soient de l’axe Turquie –Qatar ou de celui de l’Arabie-Emirats. Ces Etats là doivent solennellement être appelés à condamner ces dérives wahhabites.
Chez nous, nous devons être en mesure de produire un discours religieux moderne et tolérant dans la tradition libérale musulmane, celle de Mohamed Abdou et de Fadhel Ben Achour! Il nous faut des imams versés dans la théologie musulmane qui puissent contrecarrer et répondre aux terroristes sur le terrain de la religion.
La couveuse est par ailleurs politique aussi si nous continuons à avoir plusieurs discours. Les forces de sécurité étaient occupées deux jours avant l’attentat à poursuivre les cafés ouverts au cours de ramadan. C’est une priorité de qui? Quel projet de société Nidaa Tounes, Afek Tounes et l’ULP ont-ils à défendre? Ce projet de société se reflète dans ce genre de détails. Le Quartet au pouvoir, y compris et surtout Ennahdha, doit solennellement dire publiquement ses choix et ne pas jouer sur plusieurs cordes à la fois. Interdire le parti de Ridha Belhaj n’est peut-être pas la seule et la bonne décision… Il y en a d’autres.
Ali Laïdi Ben Mansour