Le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, a suggéré, lundi 15 juin, d’installer des mosquées à la place d’églises abandonnées, voire de faire “coexister” catholiques et musulmans dans certains édifices peu fréquentés.
La proposition de Dalil Boubakeur s’appuie pourtant sur un état de fait : le XXe siècle est synonyme de déchristianisation en France. En 1952, 27% des catholiques se rendaient à la messe, contre 4,5% en 2010, selon l’Ifop. Cette perte de vitesse s’est-elle accompagnée d’une réduction du nombre d’églises en France? La proposition de Dalil Boubakeur pourrait-elle être mise en pratique sur le terrain?
La France compte près de 100.000 édifices religieux, dont 90.000 réservés au rite catholique. Près de la moitié de ces bâtiments catholiques sont des églises; l’autre moitié regroupe “monastères, associations diocésaines, chapelles, oratoires et sanctuaires”.
Les lieux de culte construits avant la loi de 1905 sont généralement la propriété de l’Etat et des communes, ceux construits après appartiennent aux diocèses. “Depuis 1905, 144 églises communales ont été désaffectées. 30 d’entre elles ont été détruites, 44 transformées pour un autre usage et 5 vendues pour en faire des habitations.” selon un rapport de Conférence des évêques de France, datant de 2009. Un chiffre qui est susceptible d’avoir évolué en six ans.
Selon l’Observatoire du patrimoine religieux, une dizaine d’églises désaffectées a été vendue à des particuliers ou des promoteurs en 2011. Par ailleurs, l’Observatoire estime que plus de 200 églises, désaffectées ou non, étaient “immédiatement menacées en France métropolitaine” en 2011.
Une église ne peut être désaffectée que “si le bâtiment n’abrite pas plus de deux événements par an (mariage, baptême, messe, enterrement…)”, détaille le délégué général de l’Observatoire du patrimoine religieux… Une fois la vente actée, le diocèse n’a plus aucun droit de regard sur la nouvelle vie des lieux.
Comme le soulignait Dalil Boubakeur “le transfert d’un édifice catholique en lieu de culte musulman a déjà été fait en France”. C’est le cas de la chapelle Saint-Christophe, à Nantes, ou de l’église Saint-Jean de la Rive, à Graulhet, devenue la mosquée Ennour al-Mohammadi il y a une trentaine d’années.
Pour transformer une église en mosquée, il faut, d’un coté adapter le bâtiment aux codes esthétiques de l’islam, de l’autre, il faut que les musulmans acceptent le fait que la bâtisse ne soit pas orientée vers la Mecque, et que les installations pour les ablutions soient malcommodes.
Toutes ces contraintes rendent techniquement complexe une éventuelle “coexistence” entre deux rites dans un même bâtiment, selon Maxime Cumunel. “A chaque fois, le vendredi et le dimanche, il faudrait aménager la salle pour accueillir les fidèles, relève-t-il. Et puis, les lieux où les églises sont désaffectées, dans la ruralité, sont rarement ceux où la concentration de musulmans est forte. On ne va pas demander aux fidèles musulmans de faire quarante kilomètres pour aller prier dans une ancienne église… Ils ont aussi le droit d’avoir leur bâtiment propre pour pratiquer leur foi.”
Voilà une proposition qui pourrait avoir de lourdes conséquences politiques. Ne soyez pas étonné si le Front National, dès la rentrée, utilise cette “déclaration religieuse” à des fins électoralistes, donc politiques…
Source : francetv info