Après des réalisations pharaoniques telles que la fondation Louis Vuitton ou la Philharmonie de Paris, des bâtiments publics et des logements conçus et construits à l’aide de la maquette numérique sortent de terre, révolutionnant le secteur de la construction.
La maquette numérique 3D et le BIM (Building Information Model) c’est-à-dire la gestion des informations qu’elle contient, permettent de concevoir, de construire et d’exploiter des bâtiments plus rapidement et plus efficacement.
Elle va – très progressivement – reléguer les plans papier aux archives.
Vrai bouleversement des pratiques du secteur, le BIM permet par exemple de détecter des anomalies de conception en amont des chantiers, de réduire le temps de présence des ouvriers et donc les coûts, ou encore de mieux répartir les tâches entre les différents corps de métier, au moment de la construction.
“Résoudre un problème sur le chantier coûte dix fois plus cher que de le faire virtuellement”, explique Etienne Crépon, le président du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).
Accompagnée par le CSTB, la construction du nouvel hôpital d’Ajaccio est ainsi le premier projet public à utiliser la maquette numérique comme outil de travail, de sa conception à son exploitation – à la demande du maître d’ouvrage, la communauté d’Ajaccio.
Au fil de la conception, tous les acteurs (architectes, bureaux d’études, constructeurs…) partagent leurs documents techniques sur une plateforme web collaborative, qui sont stockés et liés entre eux par la maquette numérique.
Projetée sur l’écran géant de la salle immersive Le Corbusier du CSTB à la technopole Sophia-Antipolis, elle permet de consulter les données liées à chaque composant.
“Grâce à cela, on s’est aperçu qu’un scanner ne passerait pas dans un angle de couloir pour aller dans la pièce qui lui était destinée”, rapporte M. Crépon.
“Imaginez que cela arrive à la réception du bâtiment : cela aurait causé des surcoûts et une perte d’exploitation parce que le scanner n’aurait pas pu être utilisé pendant des semaines”, dit-il.
– “Pas sans les petites entreprises” –
Si l’usage du BIM ne sera obligatoire dans les marchés publics qu’en 2017, les grands groupes de construction privés, eux, s’y mettent à marche forcée.
Ainsi Bouygues Construction a lancé plus d’une dizaine de projets de R & D et mis en ?uvre des projets en France, tels que la Philharmonie de Paris ou le CHU d’Amiens, et à l’international, comme l’enceinte multisports Sports Hub de Singapour. Il voit dans la maquette numérique une “source majeure de progrès”.
Son concurrent Vinci Construction France, qui n’aurait “jamais pu construire la fondation Vuitton dans les délais” sans le BIM, dit son président Gérard Bienfait, investit “plusieurs millions d’euros” pour être “une locomotive”.
Depuis deux ans, il constitue une bibliothèque de données numériques dédiées aux matériels et matériaux de chantiers. Le groupe qui compte 23.000 collaborateurs en France, a entamé un programme de formation qui durera des années.
Pour Vinci Construction, l’enjeu est de baisser les coûts, donc les prix : sa nouvelle offre de logements Primméa vise les 30% au-dessous des prix du marché.
Lors des “Bim d’or” en septembre, son programme de 41 logements à Pantin (Seine-Saint-Denis) a obtenu une mention spéciale du jury.
Coup d’accélérateur attendu, le projet de loi sur la transition énergétique – de retour au Sénat le 30 juin – créera à compter de 2017, un “carnet numérique de suivi et d’entretien” pour les immeubles neufs d’habitation. Les informations utiles à l’amélioration de la performance énergétique d’un bâtiment y figureront.
Et pour aider le secteur à s’équiper, le gouvernement a lancé en décembre un “plan de transition numérique du bâtiment” doté de 20 millions d’euros.
Une mission, présidée par Bertrand Delcambre, réunit l’ensemble des acteurs de la filière et développera des “kits BIM” destinés aux TPE et PME du bâtiment.
Car “on ne fera pas la révolution du BIM sans les petites entreprises”, estime M. Crépon, ce qui implique de “faire baisser les coûts” d’accès à cette nouvelle technologie.
[19/06/2015 10:26:20] Sophia Antipolis (France) (AFP)