Encombrement alarmant et prolifération de graves maladies contagieuses dans les prisons tunisiennes

L’encombrement dans les prisons tunisiennes a atteint un niveau alarmant d’où la prolifération de plusieurs maladies graves et contagieuses dans le milieu carcéral, ont constaté différentes parties parmi les officiels ou encore les associations de défense des droits humains.

Le porte-parole de la direction des prisons et des établissements de rééducation, Ridha Zaghdoudi a confirmé que “l’encombrement dans les prisons tunisiennes a atteint, dans certains cas, un taux alarmant de 200%”.

Il a aussi précisé que le nombre des personnes en détention provisoire est beaucoup plus important et représente, plus de la moitié, de ceux ayant été déjà jugés.

Les trois-quarts des mandats de dépôt concernent des affaires de cambriolages, accompagnées ou non d’actes de violences, a- t-il encore noté. Cette situation d’encombrement peut être palliée par l’adoption de peines alternatives prévues par la législation tunisienne.

“On ne demande pas la construction de nouveaux établissements pénitenciers mais plutôt de veiller à ce que les prisons soient conformes aux normes internationales pour qu’elles puissent assumer leur rôle d’institutions de rééducation et contribuer à réduire, par conséquent, les risques de récidives”, a encore dit M. Zaghdoudi.

L’encombrement dans les établissements pénitenciers contribue à la prolifération de plusieurs maladies contagieuses dont la gale. Le personnel pénitencier se trouve confronté à plusieurs risques dont la contagion par des maladies graves. L’année dernière des agents et un médecin en contact direct et permanent avec les prisonniers ont attrapé la gale.

“La capacité d’accueil des établissements pénitenciers est estimée en fonction du nombre de lits disponibles. Cette norme est peu respectée puisque le nombre de prisonniers est beaucoup plus important que prévu d’où la détérioration des conditions sanitaires et sociales au sein des prisons”, a-t- il encore dit.

Selon Emna Guallali, représentante de Human Rights Watch à Tunis les prisons tunisiennes dépassent de loin leur capacité d’accueil avec un taux de 150%.

“Cette situation affecte profondément l’état de santé du prisonnier et son état psychique. Elle transforme en un véritable enfer la période d’exécution de sa peine”, a-t-elle estimé.

La représentante de l’organisation de défense des droits humains a qualifié la situation dans les prisons tunisiennes de “catastrophique” où “plusieurs cas d’atteinte à l’intégrité physique des prisonniers ont été enregistrés”, a- t-elle dit.

“Nous demandons à activer les mécanismes de lutte contre la torture pour réduire les dépassements dans les prisons”, a-t- elle encore recommandé, appelant à permettre à la société civile d’effectuer, sans préavis, des visites dans les établissements pénitenciers.

Les établissements pénitenciers font l’objet de différentes formes de contrôle. Un accord a été signé dans ce sens avec 13 associations qui ont pu depuis décembre 2012 effectuer 277 visites.

Des instances à l’instar du haut commissariat des droits de l’homme, l’organisation de la croix rouge et Amnesty international effectuent régulièrement des visites dans les prisons outre la présence d’un magistrat dans chacun de ces établissements dont la mission est le contrôle des conditions d’hébergement des prisonniers.

“Les dépassements sont traités au cas par cas par l’administration. Ces dossiers sont déférés devant la justice”, a encore dit M. Zaghdoudi qui précise, que depuis la révolution, aucun fonctionnaire de la direction des établissements pénitenciers “n’a été poursuivi pour actes de torture”.

Le point de vue de Guellali a été partagé par Abdessatar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme qui confirme que chaque prisonnier a droit à un minimum d’espace vital lui permettant de se reposer et de bouger.

L’encombrement a aussi provoqué un climat de tension entre les prisonniers eux-mêmes, d’une part et avec le personnel de la prison d’autre part.

Le président de la LTDH a toutefois nié la poursuite de pratiques systématiques de torture et d’atteintes à l’intégrité physique des prisonniers. “Nous continuons toutefois de recevoir des plaintes que nous veillons à leur vérification”, a-t-il dit. “Nous avons toutefois constaté la persistance d’une mentalité qui favorise les atteintes à l’intégrité physique des prisonniers. Par conséquent nous veillons à transférer les dossiers devant la justice”, a-t-il encore dit.

Le président de la LTDH a aussi évoqué la prolifération de la corruption, la circulation et la consommation de stupéfiants à l’intérieur dans les prisons ce qui donne lieu à des relations tendues entre les prisonniers et les agents pénitenciers.