Le directeur de Jazz à Carthage, Mourad Mathari, annonce un bilan “extrêmement positif” pour une édition 2015 marquée par «le défi» et “les déceptions”. Mais, a-t-il averti, “je ne lancerais pas l’édition 2016 tant qu’on n’est pas traité sur le même pied d’égalité que les festival étatiques”.
“Finies les initiatives 100pc privées”, tel est le message qu’il souhaite passer au ministère de tutelle. Mourad Mathari s’exprimait, dans une interview exclusive accordée à la TAP, au terme de deux semaines d’un festival soutenu par 19 artistes même si cinq, ont préféré annuler leur voyage suite aux événements sanglants du Musée du Bardo, le 18 mars dernier.
A l’inverse, la star américaine Lucky Patersson, grand habitué du festival et de la Tunisie, a répondu présent au concert de clôture, estimant que «ce qui est arrivé pouvait arriver dans n’importe quel coin du monde». La clôture de la 10ème édition de Jazz à Carthage s’est faite par un concert festif qui a également réuni le jeune artiste tunisien Zied Bagga en première partie. Le drapeau tunisien circulait dans la salle au son de la guitare de la star américaine qui s’est offert un bain de foule, créant une grande effervescence auprès du public en swing non stop.
“Nous avons prouvé que notre festival devait se tenir, que l’image de la Tunisie doit être rayonnante au niveau international et que les tunisiens sont debout et solidaires» a affirmé Mathari, soulignant que “des artistes qui devaient venir au Festival comme John Scofield, n’ont même pas vendu, en une semaine sur internet, 60 à 80 billets”.
En revanche les statistiques de vente de billets pour des artistes comme Irma ou Lucky Paterson, indiquent que le public tunisien demande beaucoup plus de concerts et des artistes festifs avec qui il a envie de se défouler”. “Pourtant, à 10 jours du démarrage du festival on ne savait pas si on allait le faire”, se plaint Mathari qui évoque plusieurs obstacles.
“Il y a un problème de formalités exigées uniquement pour le privé, mais pas pour le public”. Il explique qu’au delà du problème financier, le festival se trouve confronté à de nombreuses démarches et formalités compliquées, ajoutant que la contribution de l’Etat, limitée à 15 mille dinars, risque d’être réévaluée.
“Mais ce n’est absolument rien pour un festival de cette ampleur”, souligne le directeur de Jazz à Carthage, qui précise que “pour les artistes tunisiens, la somme allouée est de 10 mille dinars, à départager entre eux”. “La participation de notre partenaire, un opérateur téléphonique privé, fondateur du festival, qui alloue 40 pc du budget, ne nous permet même pas de couvrir la billetterie», explique Mathari.
“Les artistes ne prennent pas le même cachet qu’ils demandent ailleurs. Par exemple, un billet de 60, 80, 100 euros ou plus, le tunisien le paye à 30 à 40 dinars, presque la moitié du tarif pratiqué en Europe. Avec les prix actuels, le festival ne peut pas couvrir le coût du spectacle. Pendant neuf années, l’Office du Tourisme ne nous a pas aidé. Il a donc fallu trouver des partenaires, des subventions privées et publiques il faut beaucoup d’idées pour arriver à monter un festival”.
Pour cette édition, Jazz à Carthage a pu bénéficier du soutien de l’Office National du Tourisme Tunisien (ONTT) par la prise en charge des artistes invités (logement, transport aérien..). “Mais c’est limité” estime Mathari espérant une contribution future qui réponde «au standing de ce festival” qui déploie «des équipements techniques couteux et un nombre important de personnel».
La situation des festivals en Tunisie demeure bien loin de celle de nos voisins maghrébin, comme le Maroc, où fleurissent les festivals de tout genre qui benéficient de l’aide publique et de celle des compagnies aériennes qui offre des gratuités à 100pc. “En tant que directeur d’un festival privé “si je fais un déficit, je coule”. L’introduction de jeunes artistes, qui passaient en premières parties des concerts, a bien servi le festival pour combler le manque de ressources de financement.
Car les meilleurs de la scène jazz demandent pas moins de 50 mille dinars”. Mathari assure avoir déjà reçu des propositions pour 2016 “mais si on confirme pas au bon moment, l’artiste ne sera plus disponible. Si on travaille à l’aise, que l’on sait à l’avance, six mois minimum, qu’on aura une prise en charge et des subventions, on peut ramener les grandes stars internationales».
Or, lorsque nous préparons un programme du festival nous n’avons aucun élément, on avance en tâtonnant». Par ailleurs, le directeur de Jazz à Carthage, s’est montré peu enthousiaste quand à l’idée d’une nouvelle édition au même lieu. Le palais des Congrès, situé au centre ville de Tunis, a certes drainé un public estudiantin, mais cela a été difficile et compliquée à organiser, pour un festival qui se déroule habituellement en banlieue nord et qui a fêté ses 10 ans.