«Un jour, tout sera bien, voilà notre espérance. Tout est bien aujourd’hui, voilà l’illusion», disait le grand Voltaire. En Tunisie, c’est pire, nous n’avons même pas d’illusions sur aujourd’hui et d’espoir sur demain.
Nous vivons l’illusion de l’État, l’illusion de la justice, l’illusion de l’égalité, de la démocratie, de la gouvernance, de la relance économique et jusqu’à l’illusion que nous sommes le seul pays arabo-musulman à avoir vaincu le terrorisme et nous en être sortis quand partout ailleurs, il y a du sang et des larmes.
Il n’y a pas grand-chose qui marche dans notre pays. Triste constat. Mises à part les quelques réalisations sur le plan sécuritaire, rien ne fonctionne. L’État de Droit est devenu un espoir sans lendemain avec un Conseil supérieur de la magistrature qui tarde à venir, un ministère de la Justice où l’on ne sait pas qui fait quoi. «Vous savez ce qui se passe dans ce ministère, chaque ministre depuis le 14 janvier 2011 s’amène avec des conseillers. Il part et les laisse derrière lui. C’est une véritable pâte à feuilleter», déplore Raoudha Labidi, présidente du Syndicat des magistrats.
Dans ce ministère de souveraineté, pilier de l’État, l’allégeance ferait foi en lieu et place du respect de la loi et de la justice. «Vous avez un exemple édifiant, la prolongation de l’âge de la retraite. On vient tout juste de prolonger l’exercice du chef du cabinet du ministre de la Justice. Et il n’est pas le seul à avoir été maintenu à son poste après le changement du gouvernement et même des partis au pouvoir.
La reconnaissance des hauts commis de l’État maintenus à leurs postes à leurs bienfaiteurs dépasse de loin leur allégeance pour la Tunisie. Les réformes à apporter à un secteur fragilisé par des décennies d’interventionnisme éhonté de la part des pouvoirs centraux et des pouvoirs politiques, depuis Ben Ali, tardent à venir. Et vous me parlez d’indépendance de la magistrature et de continuité de l’Etat! Savez-vous que les délais constitutionnels pour les élections et la composition du Conseil supérieur de la magistrature touchent à leur fin? Comment peut-on se fier à un État qui ne respecte pas sa Constitution et à des parlementaires qui ne respectent pas les délais inclus dans la constitution?»
Mais où va le pays à ce train-là ?
Mais pas seulement, l’État est aujourd’hui incapable d’imposer son autorité. L’insécurité règne et c’est la loi de la jungle. Ainsi, aujourd’hui même, lundi 13 avril 2015, 4 braquages ont eu lieu devant le collège Louis Braille et dont les victimes ont été des élèves. Une victime est allée se plaindre à un policier civil en faction devant le collège et s’est vue répondre «Je ne peux rien faire pour vous».
Cela ne se passe pas que devant les institutions scolaires mais dans les métros que beaucoup évitent aujourd’hui de prendre par peur d’être délestés de leurs portefeuilles ou de leurs portables.
Les grèves sauvages sont de retour. Leur recrudescence ne fait aucun doute. Qui sont derrière ces mouvements qui visent à mettre le pays à feu et à sang et détruire l’État en s’attaquant au tissu économique? Partager la pauvreté et la précarité. Est-ce ce que visent ces activistes dénués de tout sens patriotique? L’UGTT se lave officiellement et publiquement les mains de toute implication ou couverture des grèves sauvages et des mouvements sociaux destructeurs. Tant mieux, mais alors qui les gère? Qui orchestre et qui manage les opérations de destruction du tissu économique privé, patrimoine de tous les Tunisiens, quoiqu’on en pense? Les gauchistes qui roulent en 4X4 et se soucieraient des malheurs des prolétaires? Les activistes CPR et «Harak Al Mouwatinin» qui veulent prendre leur revanche sur ceux qui les ont détrônés du pouvoir et les ont privés des hauts postes et des privilèges de l’État?
Pire, pourquoi toute cette frilosité de la part du gouvernement qui assiste impuissant à la destruction du pays sans réagir efficacement en appliquant la loi et en usant des moyens dont il dispose pour protéger les acquis économiques de la Tunisie? De qui et de quoi a-t-il peur? Les mouvements contestataires gratuits et commandités menacent les équilibres économiques fragiles du pays. Pourquoi en voyons-nous partout et sans raisons valables?
La Tunisie doit-elle décréter que tous ceux qui s’attaquent au tissu économique doivent être considérés comme des terroristes économiques? Et pourquoi pas après tout? Devons-nous tolérer qu’une poignée de personnes mal intentionnées et conduites par manipulateurs saboteurs et ravageurs fassent de notre pays une nouvelle Somalie?
Aujourd’hui, après le départ d’ENI de la Tunisie et avec un bilan de 38 entreprises étrangères «chassées» par la pression sociale de notre pays rien que pour 2014, Petrofac risque d’être la 39ème multinationale à prendre la poudre d’escampette et d’autres entreprises internationales et nationales pourraient suivre d’ici peu.
Certains militants extrémistes d’une gauche qui n’a rien compris aux enjeux socioéconomiques du pays seront peut-être heureux de réaliser enfin l’égalité en Tunisie dans le dénuement et l’indigence.
Grande est notre peur, et là je reprends un statut que j’ai récemment publié sur FB, est que le bilan des 100 premiers jours du gouvernement Essid se réduise à ce qui suit :
– Haybet addaoula : un slogan électoral sans plus, nous n’avons plus d’État, nous assistons à la parodie de l’État, Petrofac est à ce jour bloquée par des chômeurs qui veulent être payés sans travailler et ça n’est qu’un exemple parmi des centaines d’autres !
– Économie en détresse “Wa la min Moujib” presque tous les secteurs sinistrés.
– La nouvelle économie : la contrebande, l’économie et les finances parallèles, le blanchiment d’argent et peut-être même le trafic d’arme.
– La justice, otage aussi bien des allégeances que des ONG de droits de l’homme et de la peur de certains de ses acteurs ;
– Les ministères otages des revendications.
– Le secteur privé infiltré par les fortunés de guerre et trahi par les siens.
– Les institutions représentatives impuissantes.
Ensuite arriveront comme des rapaces le FMI, la Banque mondiale et pourquoi pas les terroristes qui pourraient ainsi ramasser la Tunisie à la petite cuillère.
Que c’est beau “une révolution” dans un pays où la responsabilité, le devoir, les obligations et l’amour de la patrie se traduisent ainsi dans la pratique : revendications, opportunisme, “tkambis” allégeance, banditisme et pots-de-vin. Cela fait 5 ans que le peuple attend et espère. Le provisoire parti, nous pensions que le permanent allait agir et sévir. Nous avons bien peur qu’aussi bien élus que gouvernement soient incapables de sauver la Tunisie.
Haro sur le pays précurseur des printemps arabes!
Amel Belhadj Ali