L’Association des magistrats tunisiens s’est montrée très critique sur la nouvelle mouture du projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature proposé par le ministère de la Justice et mis en ligne, lundi, sur son site Web.
Elle le trouve “rétrograde” et en décalage par rapport à la mouture présentée par le ministère le 31 janvier dernier. L’AMT a tenu, mardi, une conférence de presse au Palais de justice de Tunis pour expliquer sa position.
Le juge du Tribunal administratif et membre du bureau exécutif de l’association Hamdi Mrad a qualifié le texte de “rétrograde” parce qu’il “remet en question nombre d’acquis constitutionnels, dont certains reconnus par la Constitution de 1959 en conférant au pouvoir exécutif, par Présidence du gouvernement et Présidence de la République interposées, des compétences non prévues par la Constitution”.
Selon lui, la suppression de la locution “représente le pouvoir judiciaire” qui a disparu de l’article premier de la nouvelle mouture du texte indique clairement une tendance, “pour signifier que le Conseil supérieur de la magistrature n’est pas représentatif d’un pouvoir judiciaire indépendant”.
Invoquant le parallélisme des formes, il a expliqué que le remplacement de locution par celle “est doté de la personnalité juridique” ne sied pas au cas d’espèce “puisque les pouvoirs législatif et exécutif n’en sont pas dotés”.
Le même magistrat a fait, d’autre part, remarquer que l’article 47 du nouveau texte proposé dispose que les juges sont révoqués “par décret présidentiel”, y voyant une contradiction avec l’article 107 de la Constitution, à savoir que “les juges sont révoqués par décision motivée du Conseil supérieur de la magistrature”.
Il pointe aussi du doigt la suppression, dans le nouveau texte, de tout ce qui a trait à l’élaboration et à la discussion du budget autonome du conseil au sens de l’article 113 de la Constitution.
S’exprimant, par ailleurs, sur les protestations des avocats contre la composition du Conseil supérieur de la Magistrature et leur insistance à y siéger, demande à laquelle le ministère a accédé d’après la nouvelle mouture du texte, un autre membre du bureau exécutif de l’AMT, Anas Hmaidi, a indiqué que les magistrats ne s’opposent pas à ce que des non magistrats siègent au CSM.
Par contre, il a critiqué le mode de désignation des représentants du barreau, “puisque choisis directement par le Conseil national de l’ordre des avocats sans aucun critère objectif et sans que soit réglée la question de conflit d’intérêts”.
S’exprimant de son côté au sujet de la semaine de protestation observée par les magistrats au motif des agressions répétées, la présidente de l’Association des magistrats tunisiens, Raoudha Garafi a affirmé que “les avocats se sont servi du dernier incident pour imposer leur présence par la force dans la composition du Conseil supérieur de la magistrature”.
Le projet de loi sur le CSM a été “dénaturé par le maintien de l’autorité du pouvoir exécutif en contrepartie d’avantages sectoriels pour les avocats”, a-t-elle ajouté.