Selon les dernières études réalisées et relatives à l’addiction aux drogues en Tunisie, on a dénombré 140 000 toxicomanes. Ce chiffre couvre toutes les formes de drogues aussi bien dures que douces. Elles vont du cannabis, amphétamines, narcotiques et psychotropes, aux autres produits comme les dissolvants, les diluants, les LSD, (acide lysergique), l’ecstasy et subutex.
Pour Zied Dhouibi, directeur exécutif de l’Association Tunisienne de Prévention contre la Toxicomanie (ATUPRET) : « La fermeture du seul Centre de désintoxication nord-africain sous tutelle de l’Association, sis à Sfax, sera dramatique pour des milliers de jeunes drogués qui pouvaient y suivre des cures désintoxication et peut être vaincre leur dépendance. Les autorités publiques nous refusent tout soutien malgré toutes nos sollicitations et la ligne de financement du Fonds mondial pour la lutte contre le Sida, la Malaria et la Tuberculose prend fin le 28 février 2015. Conséquence, nous n’avons plus les moyens en tant qu’association de continuer à en assurer les frais de gestion et le paiement du personnel. Tout en sachant que nous n’y soignions pas que des Tunisiens mais également des Algériens et de libyens».
Les lois sur la consommation de drogues en Tunisie sont parmi les plus répressives au monde. Y figure l’article 52/92 qui condamne le prévenu même s’il en est à sa première arrestation à une année de prison et mille dinars d’amende au cas où l’on prouve qu’il a consommé du haschich (du cannabis). Pire, celui qui aurait exhalé (istanchaka) la fumée du cannabis sans le savoir peut être jugé et condamné pareillement ou, selon les cas, à la moitié de la peine requise par la loi, ce qui représente une grande injustice.
Sans aller jusqu’à faire l’apologie de la consommation des drogues car, quoiqu’on prétende, elles sont toutes nocives qu’elles soient dures ou douces, il est quand même choquant de ne pas permettre aux parents de contrôler par eux-mêmes leurs progénitures en leur faisant subir un test de dépistage dans des laboratoires dédiés. « Il est impossible de faire un test de dépistage en dehors de l’hôpital Sahloul à Sousse ou au Samu à Tunis et sur ordre du juge d’instruction. La loi nous l’interdit et rien ne se fera avant la révision de la loi 1998 sur la consommation des drogues » explique M.Dhouibi.
«Je suis atterrée. Je pensais le gouvernement plus soucieux du bien-être des citoyens que des intérêts pécuniaires. Et pourtant, c’est le sentiment que j’ai, lorsque je cherche désespérément un laboratoire pour faire subir un test de dépistage à mon fils et m’assurer qu’il ne consomme rien d’illégal et on me rétorque que cela relève de l’impossible. L’approbation du juge d’instruction étant incontournable. Alors, qu’il est plus simple, pour nous parents, d’acheter un test THS (dépistage du cannabis) dans une pharmacie, comme cela se passe dans nombre de pays européens ou de faire un examen sous couvert d’anonymat dans un laboratoire d’analyses.
J’ai la nette impression qu’au-delà de la dimension répressive, il y a derrière cette volonté de nous interdire le dépistage de nos enfants une affaire de gros sous. Imaginez les milliers de jeunes arrêtés pour avoir consommé un joint et ce que cela rapporte à l’Etat rien qu’en visites hebdomadaires dans les prisons. L’Etat est indifférent aux souffrances des familles, l’application aveugle de la loi est porteuse pour lui et destructrice pour nos enfants, loin d’être dissuasive, elle est préjudiciable aussi bien aux jeunes qu’aux familles ».
Pourtant, la logique voudrait que prévenir vaudrait mieux que guérir. Dans un pays comme le nôtre où près de 50% des 13.000 détenus provisoirement et le tiers des quelque 11.000 condamnés ont été écroués suite à des délits en relation avec de stupéfiants et principalement le cannabis, le mieux est de communiquer, sensibiliser les familles à la gravité de la consommation des drogues et aux risques d’addiction pour leurs enfants et prévenir les jeunes des dangers de l’utilisation de drogues.
Parmi les drogues les plus consommées par les adolescents dans notre pays, le cannabis arrive en tête de liste. Il est généralement fumé, sous forme de cigarette. Il peut également être consommé par voie orale, par exemple dans un gâteau ou des biscuits.
Pour les parents, que leurs enfants puissent consommer du cannabis est effarant d’autant plus que la prise en charge des toxicomanes (psychologiquement et médicalement), n’est pas évidente dans notre pays où il n’existe pas de centres privés de désintoxication ou des stratégies efficientes de réintégration pour les jeunes souffrant d’addiction à la drogue.