“On a fait tes funérailles et on t’a enterré depuis longtemps…” lui dit sa maîtresse d’antan. Il décide alors d’aller vers le lieu où repose son âme, à “la porte du paradis”, comme c’est indiqué à l’entrée du cimetière.
Cette scène est tirée de “C’est eux les chiens”, un long-métrage du marocain Hicham Lasri, projeté jeudi, à Tunis, dans le cadre de la compétition officielle des Journées Cinématographiques de Carthage 2014 (JCC).
Se recueillir sur sa propre tombe, est une scène sarcastique et ironique à la fois. Ses larmes chaudes coulent sur son visage vieilli par le temps et par le poids de 30 années de prison.
Il est enfin libre en plein printemps arabe pour se trouver au coeur des médias avec une équipe de télévision locale qui l’a aidé à retrouver sa famille.
Majhoul (inconnu) tel est le nom que lui donne le réalisateur. “Moi c’est 404”, dit-il. Il ne se rappelle plus de son nom sauf d’un numéro qui colle à sa mémoire: symbole d’années sombres de privation.
Majhoul est vidé de tout sauf du souvenir de sa famille. Il part donc à la recherche de sa femme et son fils Hakim. La dernière fois qu’il les a revu c’était avant qu’on le “kidnappe alors qu’il était allé chercher un stabilisateur pour le vélo de son fils et des fleurs pour son épouse”.
Ce visage fantôme que porte Majhoul débarque après un long séjour en prison pour avoir participé en 1981 aux émeutes du pain au Maroc. Ni le temps ni la peine n’ont réussi à lui ôter l’envie de vivre.
Trente ans après, le stabilisateur est toujours avec lui. Le jour des retrouvailles, il le remet à sa place, sur le vélo toujours en stand by.
Dans des gros plans, des scènes de rues mouvementés et des situations pleines d’humour marquant l’ironie du sort, le film porte une grande symbolique. C’est la métaphore d’une société en pleine mutation après plusieurs années d’absence sans avoir jamais perdu l’envie de mener le combat vers la liberté.
Majhoul est peut être l’incarnation de cette société arabe qui se soulève encore une fois contre la misère et la dictature pour réclamer une vie meilleure et une justice sociale afin de retrouver un souffle de liberté, même tardivement.
Ecrit et réalisé par le marocain Hicham Lasri, ce long métrage produit en 2013 et sorti le 5 février 2014, a été primé dans une dizaine de festivals arabes, africains, européens et américains. Au festival international du film de Dubaï 2013, il a décroché le prix spécial du jury et le prix d’interprétation masculine.
Né à Casablanca en 1977, Hicham Lasri a fait des études de sciences juridiques avant de se lancer dans le domaine cinématographique.