En novembre 1934, il y a 80 ans, naissait dans la vieille ville de Tunis “La Rachidia”, symbole d’une identité musicale tunisienne authentique.
A l’époque, le projet se profilait comme la réponse d’une classe d’intellectuels et de notables tunisiens qui voulaient défendre l’identité culturelle tunisienne face à un référentiel musical moins prestigieux avec l’apparition de chansons légères avec des paroles franco-arabes qui frôlaient parfois l’obscénité.
Aujourd’hui, “nous sommes témoins d’une situation similaire. C’est une impression de déjà vu”, estime le président de La Rachidia, Mohamed Najib Mouhli, d’où l’urgence “d’un renouveau culturel” dans l’ensemble du pays qui pourrait mener à un changement de mentalités nécessaire pour le développement de la société.
La tache parait facile pour l’actuel président de l’association de la Rachidia. La ruée des hommes d’affaires vers la présidentielle et par conséquent sur la scène politique pourrait prendre d’autres formes. “Ces hommes politiques pouvaient concrétiser leurs promesses et s’engager concrètement pour le bien-être des Tunisiens, en apportant une aide concrète aux institutions culturelles et éducatives qui ont atteint un état de délabrement nécessitant une intervention d’urgence”.
Création de la Rachidia : Un acte militant
Il y a 80 ans, un groupe de 70 personnes, parmi lesquels de hauts fonctionnaires tunisiens, des notables mais aussi des poètes, des musiciens et des artistes, dont une femme, Hassiba Rochdi, avaient, pris les choses en main et avaient décidé de créer l’association “La Rachidia”.
Parmi ceux là on compte les plus célèbres ténors de la musique tunisienne tels Salah El Mahdi “Zeryeb” ou encore Mohamed Triki, Ahmed El Ouafi, Khemaies Tarnane et d’autres.
La création de la Rachidia, qui avait élu domicile dans une vieille demeure de la Medina de Tunis, précédemment siège de l’imprimerie officielle, était à l’époque, “un acte militant” face à la colonisation. Il s’agissait d’une volte face pour défendre la chanson tunisienne authentique et par conséquent l’identité culturelle tunisienne, explique encore M. Mouhli.
Dès le début, l’objectif de cette association, qui a su préserver son indépendance, était de défendre le patrimoine musical tunisien, dont le malouf, face à un registre musical sans envergure qui investissait le café chantant, nouvel espace culturel. Il s’agissait de veiller à préserver le style musical tunisien mais aussi les bonnes paroles et le chant juste.
De nos jours, “La Rachidia”, qui tient son nom du 3eme roi husseinite, Mohamed Rachid Bey, un féru de la musique tunisienne, persiste et signe. “Cette politique est toujours d’actualité. Notre enseignement tient toujours compte de ces exigences”, explique avec fierté M. Mouhli.
Plus de 150 apprenants, répartis en petits groupes, suivent le programme d’enseignement de “La Rachidia” qui exige une bonne maîtrise du solfège.
Malgré la sobriété du lieu, c’est toujours un plaisir que d’entendre la mythique chanson “Alif Ya soltani” entonnée par des voix fraîches d’enfants âgés de six ans et plus et des voix plus mûres, d’adultes âgés de 50 ans et plus.
L’enseignement à la Rachidia est conçu par deux commissions la première veille à la qualité des textes poétiques et la deuxième est celle de la composition.
Un souci majeur est aussi accordé à la pureté du dialecte tunisien utilisé et au genre musical, sans toutefois être en rupture avec le contexte international et particulièrement oriental”, se défend encore M. Mouhli citant le beau répertoire de Khemaies Tarnane, dont une grande partie est puisée dans le registre musical oriental.
Depuis 2011, plusieurs actions ont été entreprises pour redonner à la Rachidia son aura d’antan, après les années de stagnation (2009-2011), témoigne M. Mouhli.
Une ouverture vers les autres régions, à l’intérieur du Pays, a été entamée depuis 2013 avec la création de sections à Bizerte, Monastir, Sousse, Kelibia, Kairouan, Sfax, Testour et Le Kef. Un projet similaire est en cours de réalisation à Tozeur.
Ces actions visent à enraciner la bonne musique authentique que porte la Rachidia mais aussi à rechercher de nouvelles sources d’inspiration pour étoffer son répertoire déjà riche de plus de 800 oeuvres inédites.
La primeur de cette démarche avait été présentée, durant le ramadan de cette année, avec la première édition des soirées de la Rachidia “Tarnimet” (les mélodies) ou encore lors des rendez-vous mensuels au théâtre municipal et dans les locaux de la Rachidia, dont celui de Dar Lasram.
L’ouverture de la saison culturelle de “La Rachidia” est d’ores et déjà annoncée pour le vendredi 21 novembre au théâtre municipal. Au programme une représentation de la troupe musicale sous la conduite de Maestro Nabil Zamit, direction artistique de Fathi Zghonda accompagnée de la chorale de Sofiene Zaidi.
Parmi les chanteurs qui se produiront sur les planches de la bonbonnière on compte Asma Ben Ahmed, Mohamed Ali Chbil, Nabiha Karaouli et Sofiène Zaidi.
D’autres projets sont en vu pour faire renaître “La Rachdia” de ses cendres et lui redonner son prestige d’antan. Une demande a été adressée en ce sens à la Présidence du gouvernement et au ministère de tutelle pour proclamer l’année 2015, l’année de la Rachidia.