“Prenez les postes et les fonctions et laissez moi la patrie”, c’est par les paroles d’une belle chanson tunisienne qui rend hommage au patriotisme, qu’un agriculteur de la région de Bousalem (gouvernorat de Jendouba), Abdelhamid Skouhi, a transmis son message aux partis en lice pour les prochaines élections législatives.
Il compte parmi les nombreux Tunisiens qui ne cachent pas leur “mécontentement” du paysage politique issu de la révolution, c’est pratiquement leur “loyauté envers la Tunisie” qui les pousse à aller voter le 26 octobre 2014.
Certains observateurs confirment la réticence de nombreux Tunisiens à aller voter malgré la prorogation par l’ISIE des dates d’enregistrement et les appels répétés à participer aux élections pour “l’intérêt du pays”.
Or, “l’intérêt du pays” n’est qu’un “slogan vidé de son vrai sens” selon Abdelhamid Skouhi qui accuse, sans crainte, les partis politiques de “courir frénétiquement derrière les postes, de convoiter le pouvoir et servir leurs propres agendas uniquement”.
“Les partis doivent revoir leurs visions et mettre l’intérêt du pays au-dessus de toutes les convoitises, surtout que le monde arabe est menacé par l’insécurité et les divisions”, a lancé l’agriculteur qui affirme avoir renoncé à sa décision de boycotter les élections.
“Nous allons voter pour choisir celui qui garantira notre sécurité et la stabilité de la Tunisie laquelle a besoin, plus que jamais, de nous tous”, lance t-il à l’intention des personnes attablées autour de lui, au café.
Ahmed Hajjaji (retraité) s’est montré, quant à lui, hésitant et déboussolé. “Honnêtement, j’ai peur de ceux qui se disent révolutionnaires mais cherchent plutôt à susciter des tensions pour entraver les élections et de semer la zizanie au sein de la société”.
Il dit qu’il craint “une alliance entre des parties extrémistes et les terroristes pour gâcher les élections et exécuter leurs plans infects”, exprimant l’espoir de voir “les citoyens et les forces de l’ordre s’unir pour faire face à cette catégorie”.
“Mécontentement et méfiance des politiciens”
Mohamed Dahmani, étudiant a déjà pris sa décision, il lâche d’un ton furieux, “je ne donnerai ma voix à aucun parti, ni aucune liste…je suis très déçu des politiciens et des partis, de leur esprit mercantile, de leur hypocrisie et de leur opportunisme”.
Il n’a pas hésité à accuser les partis d’adopter de “sales méthodes” et de “recruter des bandits pour troubler les meetings de leurs concurrents”.
Dahmani est convaincu que “les élections ne changeront rien à la situation du pays qui est devenu invivable. La solution réside dans l’émigration”. Cependant, il cache derrière ce désespoir, un amour pour sa patrie “nous n’allons pas laisser le pays aus pilleurs…”.
Avis de la sociologie dans la relation entre le citoyen et les partis politiques
Dans une déclaration à l’agence TAP, Mahmoud Dhaouedi, sociologue a expliqué le caractère révolutionnaire et relativement “hostile” à l’égard des partis par “la perte de confiance dans les politiciens en général”.
Cette perte de confiance est due, à son avis, à “la similarité de leurs discours et aussi à la multiplication des partis et des listes électorales et l’invisibilité des programmes des “petits partis”. Malgré cela, le sociologue estime que la réticence des citoyens à voter est un problème résoluble.
Les Tunisiens vont affluer vers bureaux de vote
Mohamed Hedi El Hammi, ancien journaliste a fait part de son optimisme dans une déclaration à l’agence TAP, “les réactions des Tunisiens ne sont que conjoncturelles envers les partis. Le Tunisien est politiquement mature aujourd’hui et ne ratera pas le rendez-vous du 26 octobre, il est prend souvent ses décisions à la dernière minute”, commente t-il, estimant que les prochaines élections ne seront pas sans surprises.
Mohamed Ridha Dhahri est du même avis. Malgré sa situation de chômeur, il préfère garder son optimisme et se dit convaincu que les élections “auront lieu quelques soient les conditions”.
“Les forces de sécurité ont exprimé leur disposition à assurer le bon déroulement de ces élections dans toutes les régions du pays, c’est à mon avis un message rassurant”, dit-il avec sérénité.
“Le prochain gouvernement doit tirer les leçons de ses prédécesseurs”
Abdessattar Sliti, commerçant ne s’arrête pas sur les élections et préfère évoquer la période post-électorale, “le prochain gouvernement doit tirer les leçons de ses prédécesseurs”.
D’après lui, la situation difficile que vit le pays, les difficultés rencontrées par les entreprises et la détérioration de la situation sociale et des conditions de sécurité et aussi le terrorisme sont les résultats de “l’échec de la Troika dans la gestion des affaires de l’Etat”.
Fateh Gharbi, ingénieur agronome estime pour sa part, que ‘la réussite du prochain gouvernement dépend de son succès à mettre fin au terrorisme et à instaurer la paix dans le pays. Il n’y aura pas de développement et d’investissement sans l’éradication du terrorisme”.
Samia allagui, fonctionnaire et activiste de la société civile est également, optimiste, “les prochaine élections vont certainement déboucher sur des institutions stables et plus aptes à regagner la confiance des Tunisiens”, déclare la jeune femme qui voit la Tunisie de demain, comme “un Etat civil, souverain et démocratique”.
En effet, les prochaines élections du 26 octobre 2014 sont les deuxièmes élections pluralistes dans l’histoire de la Tunisie (après la révolution du 14 janvier 2011) et les premières élections qui marquent la fin de la période transitoire.
Les Tunisiens aspirent à travers ces élections à entrer dans une nouvelle ère qui coupe avec les décisions conjoncturelles et met fin à “l’adolescence politique” pour entamer l’édification d’un Etat démocratique et moderne.