L’alliance entre trafiquants d’armes et de drogue et cellules jihadistes armées aux frontières avec l’Algérie et la Libye, combinée à une profonde polarisation idéologique, pourraient former un cocktail explosif à l’approche des élections législatives et présidentielle en Tunisie.
Dans son dernier rapport, La Tunisie des frontières (II) : terrorisme et polarisation régionale, l’International Crisis Group s’appuie sur son rapport de novembre 2013 et analyse les menaces inquiétantes envers la sécurité aux frontières tunisiennes avec l’Algérie et la Libye. Afin d’endiguer les liens de plus en plus importants entre terrorisme et crime organisé, la Tunisie doit adopter une approche consensuelle, sereine et dépolitisée pour répondre aux tensions sécuritaires. Cela implique de séparer, d’une part, les défis sécuritaires, et de l’autre, un environnement politique polarisé, à travers la mise en œuvre d’initiatives économiques et sociales qui ramèneraient les populations frontalières dans le giron de l’Etat.
Les conclusions et recommandations principales du rapport sont:
Quels que soient les résultats des élections législatives et présidentielle, le gouvernement tunisien devra faire face aux enjeux sécuritaires en modifiant son discours antiterroriste en faveur d’une vision plus consensuelle, équilibrée et dépolitisée de la question. La réponse au terrorisme doit prendre en compte ses dimensions économiques, sociales et idéologiques.
La situation sécuritaire dans les espaces frontaliers avec l’Algérie et la Libye pourrait devenir alarmante si le gouvernement échoue à établir un dialogue avec certains cartels, à renforcer sa présence aux frontières par des mesures socioéconomiques encourageant le développement, et à regagner la confiance des populations locales qui pourraient être tentées de s’opposer frontalement à l’Etat en rejoignant des groupes jihadistes armés et des réseaux de contrebande, qui transportent notamment des produits dangereux de part et d’autre des frontières.
Le gouvernement devrait renforcer sa coopération économique et sécuritaire avec l’Algérie, et poursuivre le projet de création d’une agence nationale de renseignement qui intégrerait services de renseignement et forces d’intervention antiterroristes dans la même structure.
« Dans l’immédiat, il est important que les principales forces politiques, syndicales et associatives, islamistes et non-islamistes, mettent en œuvre une approche consensuelle de la sécurité publique et que les autorités adoptent un discours antiterroriste plus serein, prévenant le retour de la polarisation au cas où le pays serait victime d’une attaque d’ampleur » affirme Michael Béchir Ayari, analyste principal pour la Tunisie.
« Renforcement de la répression sécuritaire et représailles de groupes jihadistes affaiblis pourraient former un cercle vicieux », ajoute Issandr El Amrani, directeur du projet Afrique du Nord. « Une attaque terroriste de grande ampleur risquerait d’accroître la polarisation entre islamistes et sécularistes ».