Représentant 13,5% de la population tunisienne (environ 1.400.000 personnes) selon le dernier rapport de l’Organisation mondiale de santé (OMS) publié en 2011, les personnes handicapées estiment que leurs droits sont bafoués dans les programmes électoraux des partis pour les législatives du 26 octobre et mettent en cause le retard enregistré par l’Instance électorale dans le réaménagement des centres de vote.
A moins de dix jours du scrutin, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) n’a pas encore aménagé les bureaux de vote pour accueillir les personnes porteuses de handicap. En effet, le système braille (système d’écriture tactile à points saillants pour les personnes aveugles ou fortement malvoyantes) ne sera probablement pas disponible au cours des élections législatives.
Dans ce cadre, Lamia Zargouni, membre de l’ISIE, a expliqué que « ce sera un miracle si le système braille sera utilisé lors des législatives », affirmant qu’il le sera certainement pour l’élection présidentielle. L’ISIE avait engagé un processus d’impression de nouveaux bulletins de vote à l’imprimerie officielle de la République tunisienne. Un processus rapidement écarté à cause de la complexité des rouages bureaucratiques en relation avec les appels d’offres, comme l’explique Mme Zargouni.
« Nous avons engagé une imprimerie privée, mais le temps nous a fait défaut surtout qu’il faut préparer 27 spécimens de bulletins de vote pour chaque circonscription », a-t-elle justifié. Pour ce qui est des rampes d’accès pour les handicapés, l’ISIE a ciblé 45 écoles (centres de vote) inaccessibles. Mme Zargouni a indiqué que la décision de mettre en place des rampes d’accès pour handicapés dans ces centres a été signée hier vendredi, jugeant « qu’il n’y aura pas de problème sur ce point ».
Manel Mehiri, chef de projet à l’association Handicap international a salué la réactivité de l’ISIE, surtout concernant la publication d’un guide de sensibilisation qui explique les procédures de vote.
Elle a cependant annoncé que le ministère de l’Education a refusé de donner son feu vert pour la mise en place de diagnostic d’accessibilité des centres de vote, avertissant que cela pourrait entraîner « un boycott des élections par les handicapés ».
Programmes électoraux: les handicapés sont mal catalogués et leurs droits spécifiques bafoués
Pour ce qui est des programmes électoraux des différents partis politiques, les personnes porteuses de handicap et les associations de la société civile qui les représentent mettent en cause un traitement « superficiel qui ne répond pas aux attentes des handicapés ». En effet, selon une étude de l’Organisation tunisienne de défense des droits des personnes handicapées (OTDDPH), réalisée à l’occasion de la publication du Pacte de Tunis pour les droits des personnes porteuses de handicap, « aucune liste candidate aux législatives n’a utilisé la bonne appellation (personnes porteuses de handicap) pour désigner les handicapés ».
Elles utilisent toutes l’expression « personnes à besoin spécifiques », ce qui va à l’encontre de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la Tunisie en 2008, explique l’étude. Les programmes électoraux des partis politiques ne traitent pas, en effet, les droits spécifiques des personnes handicapées.
Ettakatol est un des partis à avoir consacré un chapitre à part entière à cette catégorie, appelant dans le 37e point de son programme, à augmenter le pourcentage des handicapés dans la fonction publique de 1 à 3%, faire participer les associations concernées à la mise en place des législations et mettre en place une stratégie d’intégration des porteurs de handicap dans la vie socio- économique.
Le parti Union patriotique libre (UPL) a, quant à lui, appelé à garantir les soins aux enfants et accorder à cette frange de la société des revenus fixes et permanents.
Cependant, il les a classés avec personnes à besoin spécifiques. « Les jeunes handicapés ne sont même pas cités dans les programmes électoraux des partis », a déploré Safouan Karoui, président du Conseil social du mouvement sportif (COSMOS), indiquant que les points consacrés aux personnes porteuses de handicap sont les mêmes qu’en 2011. De son côté, Manel Mehiri de l’association Handicap International a estimé que la façon de traiter la question des handicapés dans les programmes électoraux « n’est pas satisfaisante », souhaitant voir les partis ” s’engager à respecter au moins le Pacte de Tunis pour les droits des personnes handicapées”.