Soyons indulgents envers les Tunisiens et la Tunisie! Envers nous-mêmes parce que ce spectacle inouï est une facette de notre personnalité et du moment historique que nous vivons. Celui qui a soif, comme nous depuis 60 ans, a tendance, dès qu’il voit l’eau, à non seulement tout boire mais aussi à sauter dedans!
Alors, plus de 70 candidats à la présidentielle et 1.300 listes pour les 217 sièges de députés de la future Assemblée du peuple, ce sont les expressions de cette liberté retrouvée et les maladresses du néophyte qui en fait un peu plus pour démontrer, gauchement, sa bonne volonté.
Cependant, nous en faisons trop quand même! Les avis sont bien sûr partagés sur ce phénomène, et les intellectuels ne manquent pas de stigmatiser cette situation. Il y a ceux qui, comme Mohamed Haddad, politologue et professeur des religions comparées à l’Université de Tunis, qui accuse l’ISIE de cette situation.
Il a écrit dans un post sur sa page Facebook: «L’ISIE est responsable de cette mascarade de candidatures fantoches. L’ISIE n’aurait pas dû accepter des dossiers incomplets. Pour être recruté comme simple agent à l’administration, le candidat doit impérativement déposer un dossier complet, pour la candidature à la présidence, on a accepté tous les dossiers. Cela ne manquera pas de ridiculiser le poste de président et ridiculiser la notion de l’Etat! Je me suis renseigné pour savoir la raison: l’ISIE pensait ainsi éviter les recours auprès des tribunaux. J’espère que l’ISIE se rattrapera en expliquant clairement au peuple qu’il ne s’agissait que de dépôt de candidatures et non de candidatures. Cependant, le mal est fait, car je vois déjà les plus malins prétendre plus tard qu’ils ont été éliminés par l’ISIE et pas par le peuple».
D’autres analysent le phénomène à l’aune des stratagèmes politiques de certains partis, particulièrement Ennahdha, qu’ils soupçonnent de tout faire pour éloigner les débats des législatives sur son bilan de 2 ans de Troïka au pouvoir. D’autres encore considèrent qu’une grande «cabbale» a été mise en place par plusieurs parties pour multiplier les candidatures rien que pour contrecarrer Béji Caïd Essebsi.
Les réseaux sociaux, particulièrement l’agora des Tunisiens, Facebook, bruissent d’une multitude de commentaires…
Gardons l’espoir maintenant que l’opération du vote, le 26 octobre, expression unique et ultime de notre liberté, nous permettra de nous ressaisir.
Des remarques essentielles sont quand même à souligner dans cette course à la candidature qui n’a épargné que peu de personnes et des partis politiques.
D’abord, le texte de la loi électorale est mal écrit. L’avis des spécialistes en la matière et un peu de recherches très simples nous auraient évité bien des désagréments! A moins que certains à l’ANC aient laissé courir ce texte pour d’autres raisons!
Notre conscience politique «nationale» est en train de se «faire», et ainsi une pédagogie démocratique nous est absolument nécessaire. Le spectacle de la présidentielle en est un exemple très frappant de nos divers «maux» -et ils sont légion! Vivement la thérapie!
Par Ali Chetoui