Neuf cent mille (900 000) familles tunisiennes sacrifient des moutons pour la fête de l’Aid El-Idha chaque année, selon les données officielles. Les responsables disent que 1 million de bêtes de sacrifice sont disponibles actuellement sur le marché local, quelques semaines avant la fête de l’aid, mais les prix risquent d’augmenter, encore plus, cette année, en raison de la présence de plus de 1 million de libyens en Tunisie.
L’importation de 6000 têtes d’ovins et 60 tonnes de viandes congelées, solution pour laquelle a opté le ministère du Commerce pour réguler le marché, ne semble pas résoudre le problème des prix. Au contraire, les consommateurs sont inquiets et certains appellent même à boycotter le sacrifice de mouton pour la fête de l’Aid cette année.
L’agence TAP a interrogé des responsables de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), de l’ODC (Organisation de défense du consommateur) et du GIVELAIT (Groupement interprofessionnel des viandes et du lait) sur les raisons derrière la tendance haussière des prix des moutons de sacrifice et aussi sur les solutions prévues.
La spéculation et le coût d’engraissement derrière la flambée des prix
Les intervenants de la filière de l’élevage ont imputé la hausse des prix des moutons de sacrifice, quelques semaines avant l’Aid El Kebir, à la spéculation et à l’accroissement du nombre des intermédiaires ou ce qu’on appelle “Gachara”, qui cherchent le gain facile et rapide en achetant et revendant les moutons.
Omar El Behi, vice-président de l’UTAP et membre chargé des ressources animales, a indiqué, cependant, que le coût d’engraissement n’est pas la raison derrière la hausse des prix sur le marché.
Le cout des fourrages, des services vétérinaires et de la main d’œuvre n’expliquent pas les prix adoptés, selon le responsable, qui affirme “le cout du mouton destiné à l’engraissement ne dépasse pas 320 dinars et celui de chaque kilogramme avant l’abattage est estimé à seulement 10 dinars” “C’est-à-dire, un mouton d’un poids de 35 kilogrammes ne peut coûter plus de 380 dinars, ce qui est un prix acceptable”, a-t-il expliqué.
Il a accusé les autorités en place de “laxisme” et de ne pas traiter le problème des sacrifices comme il convient. Selon ses dires, le gouvernement a refusé la proposition de l’UTAP concernant l’aménagement d’espaces de vente au kilo et l’octroi d’une prime mensuelle de 10 dinars à l’agriculteur pour chaque mouton engraissé, soit 50 dinars en 5 mois.
“Ceci aurait épargné à l’Etat l’importation de moutons en devises”, a-t-il dit. M. El Behi estime que l’aménagement de ces espaces de vente au kilo est la solution appropriée pour contrer la hausse des prix.
Pour sa part, le syndicat des agriculteurs a imputé cette hausse au manque de contrôle, à l’anarchie dans les marchés et à la recherche du gain facile. Il a appelé les consommateurs à acheter les bêtes de sacrifice dans les points de vente contrôlés, recommandant l’identification de solutions “sérieuses” pour développer et protéger la production animale et les circuits de vente des fourrages contre les spéculateurs.
De son côté, le directeur du GIVLAIT, Lotfi Chamakhi estime que le prix des moutons de sacrifice dépend de leur qualité et de leur age. Il a reconnu, pourtant, l’accroissement du nombre des spéculateurs, notamment, après la révolution et la prolifération des points de vente informels, appelant à l’aménagement d’espaces organisés de vente au kilo dans les grandes villes.
Le GIVLAIT encourage les éleveurs à s’organiser dans le cadre de structures professionnelles pour préserver leurs droits et aussi ceux des citoyens, a-t-il encore déclaré à l’agence TAP. Ni le boycott ni l’importation ne peuvent constituer des solutions idoines
Les professionnels considèrent que le recours à l’importation de moutons est “un gaspillage de devises et une atteinte aux intérêts des petits éleveurs”. L’UTAP appelle, ainsi, à ne plus importer les besoins en viandes pour la fête de l’AId El Idha, car selon Omar El Behi, chargé de la richesse animale au sein de l’organisation, cela sert plutôt l’intérêt de l’agriculteur européen qui, de plus, est subventionné par son gouvernement contrairement à l’agriculteur tunisien.
Le responsable s’est exprimé, toutefois, contre le boycott du sacrifice de mouton, car il aura, d’après lui, de mauvais impacts sur les agriculteurs et les éleveurs. Du coté de l’ODC, Slim Saadallah (membre), a indiqué que l’organisation “n’adhérait pas à un tel boycott”, appelant les consommateurs à acheter leurs bêtes de sacrifice dans les points de vente réguliers et formels. Il a reconnu la difficulté pour le consommateur tunisien d’acheter un mouton de sacrifice avec un prix qui dépasse 450 dinars.