Le peuple uni ne sera jamais vaincu. Il a mis à bas l’arbitraire. La révolution du Jasmin a été le switcher vers la démocratie. L’absolutisme, c’est fini. Yes we can and we overcome! Il écarte le changement et revendique le renouveau. Le peuple s’est prononcé pour un pacte républicain.
Il veut de la transparence. Il appelle à une 2ème République en rupture avec les mœurs politiques de la veille. Il serait regrettable de le priver de sa victoire. Il serait tenté de…
Vendredi 14 janvier, ce jour saint le peuple a émis un message clair. Il réclamait le contrôle du pouvoir par un Parlement. Le 9 avril 1938, à l’autre extrême de cette même avenue, il a mené le même combat et il a eu gain de cause.
Les circonstances ne sont pas les mêmes mais le sens du combat, si. Dans les deux cas, un appareil sécuritaire oppressant et omnipotent voulait, en 1938, le priver de sa souveraineté, et en 2011 continuer à le déposséder de sa liberté. Et dans un cas comme dans l’autre, il est allé jusqu’au bout de ses revendications, l’indépendance et enfin la démocratie. Clair?
Alors, quand on vient nous faire endosser un bilan de massacres, notre réponse est celle-là: on ne fait pas la leçon au peuple, du moins depuis ce 14 janvier on ne nous la fera plus. Le peuple est au-dessus de tout cela. Le peuple est noble et ne s’abaisse pas à ces pratiques ignobles. Dans la rixe qui a opposé des snipers/saboteurs à des pilleurs/truands, la cause du peuple est indemne. Mais retenez ceci, la langue de bois est passée de saison. Le peuple a destitué un régime mais a été jaloux de l’Etat. Les dégâts regrettables ne visaient pas l’Etat, notre acquis suprême, celui-là même qui a fait de nous un peuple instruit et fier de vivre sous sa bannière, mais s’attaquaient, vraisemblablement, aux symboles d’un régime aux caractéristiques précises. Ce n’est pas la peine de revenir sur les détails. Gagnons du temps.
A l’avenir, les rôles sont bel et bien répartis: la souveraineté au peuple, le pouvoir au Parlement et le mandat exécutif au gouvernement; mais attention, il s’agit d’un mandat à durée déterminée et ponctué de contrôle et sous supervision. Attelons-nous à édifier l’Etat de Droit et ne négligeons pas de clôturer l’exercice passé, comme disent les comptables. Il y a quelques régularisations d’écriture à passer. Le peuple serait curieux d’apprendre comment on va y procéder.
La justice doit dire son mot
Nous sommes tous attristés par cette fin à la «Néron». Pourquoi, la dernière volonté aurait-elle été de déstabiliser le pays? Y–a-t-il eu préméditation de punir le peuple pour avoir fait savoir sa volonté expresse de changer de modèle social? Les informations sur le plan de sabotage, entrepris par la garde prétorienne, ont dû parvenir aux dirigeants de l’Arabie saoudite. En toute bonne foi, il ne devrait pas y avoir obstruction. C’est se mettre en phase avec la volonté du peuple tunisien, et de son désir d’apaisement, que de permettre à la justice tunisienne de se prononcer. Dans la sérénité mais en connaissance de cause, tout simplement parce que la cause du peuple est en jeu et que c’est le peuple qui a mis en branle toute cette dynamique d’émancipation démocratique.
En cherchant à faire la lumière sur les évènements, on veut, sentiment patriotique tout à fait légitime, ne pas voir la révolution du jasmin flétrir pour avoir été récupérée. Ce mouvement a fait du jasmin la fleur de lys du peuple en lui restituant l’usufruit de sa souveraineté, c’est-à-dire le pouvoir de peser sur son destin. A l’heure actuelle, on nous offre des boucs émissaires. Il nous faut remonter à la source. Notre culture politique nous enseigne qu’il faut privilégier l’essentiel sur ce qui est important. L’épuration, la vindicte, ne doivent pas nous distraire de l’urgence d’engager le plus vaste chantier de notre histoire, à savoir la mise sur pied d’un état de droit. Soit, mais qu’on nous apaise. On doit nous dire qu’il n’y aura pas impunité pour l’auteur et non les seuls exécutants de cette abominable machination contre l’édifice national. De la sorte, le peuple sera totalement rasséréné. Sans quoi, il serait tenté de…
Tout a un prix, c’est bien connu!
Pendant ce mois où le peuple tunisien a fait son introspection, le PIB s’est contracté. C’était le prix à payer pour faire passer le message d’une envie d’alternance dans un système qui ne le permettait pas. Voilà tout. Un jeune, poussé au désespoir s’est immolé par le feu. «Qu’il crève» n’était pas la réponse appropriée. Le modèle économique patinait. La Banque mondiale le disait tout haut. La proportion de pauvres se remettait à augmenter. A moins de 8% de taux de croissance, on savait qu’on accumulerait du chômage. La presse le faisait savoir. Qui l’entendait? Un journaliste dans un quotidien du gouvernement demande à Ali Lahouel, économiste pourtant proche du parti au pouvoir si le pays pouvait réaliser 5,5% de croissance, en je ne sais quelle année, peut-être 2002 ou 2003. L’économiste a répondu qu’on était plus proche de 5 que de 5,5%, ça n’a rien de blasphématoire. Il a écopé d’un embargo définitif.
Quand on apprend que pendant les années où le chômage enflait 5 milliards d’euros, selon une estimation de la chaîne de télé France 2, ont quitté le pays, le peuple est en droit de faire connaître sa désapprobation. Il y a là l’équivalent d’environ 9.000 milliards de nos millimes. D’autres médias étrangers parlent du retrait d’une tonne et demi d’or monétaire.
Le 14 janvier, le peuple est allé scander devant le ministère du Développement régional qu’il aurait pu injecter ces sommes dans le développement régional ou effacer une partie de l’ardoise de l’Etat qui nous coûte assez! Quand on est «aux affaires» on assume son bilan. Et quand ce bilan n’est pas satisfaisant, on rend le tablier, mais avec courage. On ne vient pas dire à l’opinion, un jour, qu’on a compris la leçon et déserter le lendemain. Un chef bienveillant et trompé par son entourage affronte la justice de son pays et plaide non coupable. Il ne se met pas aux abonnés absents.
Apocalypse, NO!
Dès dimanche soir, un SMS a circulé appelant les Tunisiens à reprendre le travail. Et, c’est ce que nous avons fait. Le peuple tunisien s’est comporté en peuple mature. Les observateurs étrangers disent que nous pouvions servir d’exemple au monde arabe. Mais je défie quiconque peut m’apporter la contre preuve que nous ne pouvions pas servir d’exemple à tous les autres peuples du monde, y compris la Scandinavie. Le peuple tunisien a commencé le travail vendredi, et lundi il s’est remis à turbiner. On est champion du monde et recordman. La «Supply chain» révolutionnaire tunisienne est la plus rapide du monde. Dans l’intervalle on a pu manquer de petites choses, cela n’est pas grave. On s’est juré de vivre d’eau fraîche et de pain, pour jouir de la démocratie. Alors sachons tenir parole. Et puis, en toute bonne foi, il n’y a pas eu de pénurie ni de marché noir à proprement parler. Ce peuple glorieux n’est pas un peuple profiteur et il a rejeté toute gouvernance publique à la Noriega. Il faut décrypter son message, sans quoi il serait tenté de…
Purger le premier parti de Tunisie, l’Administration
Tous les économistes vous le diront, une administration performante est ce qui peut arriver de mieux à un pays. Je pense que notre pays a cultivé un appareil administratif qui a été, sans jamais le faire savoir, le premier parti de Tunisie. C’est un remarquable vivier de compétences et une formidable machine de propositions. Hélas elle est bridée par la greffe de milliers de cellules professionnelles du RCD qui lui ont fait perdre son idéal et l’ont sclérosé. Cet édifice a besoin de retrouver sa vitalité et sa compétitivité. Il faudra l’expurger de ces corps étrangers et paralysants qui rongent son mental et pervertissent sa morale. Pourquoi contaminer un corps qui produit par du népotisme et du clientélisme et nous passons le reste sous silence pour ne pas raviver les plaies encore trop vives.
Le peuple a dit son mot. Il faut faire la mère des réformes celle-là même qui consiste à séparer l’Etat du parti au pouvoir et qui a été de tous temps de l’histoire de cette République, toujours le même. Une attitude équitable serait de démanteler les cellules professionnelles, greffées sur un corps, propriété de l’Etat, donc du peuple et non d’une formation politique. Réduire la voilure du RCD le remettrait à la dimension des autres partis et présagerait d’une compétition politique plus ou moins acceptable, en attendant que les choses s’améliorent. Sans quoi le peuple ne comprendrait pas qu’on reconduise le même attelage, celui-là même qui nous a fait sous-performer. Pire que tout, on aurait déjà exploré, selon certaines rumeurs une alternative monarchique, c’est-à-dire l’Etat qui se mord la queue! Plus jamais ça. Le peuple ne comprendrait pas qu’on soit resté sourd à sa volonté et encore une fois il serait tenté de…
«Quo va dis, Dominé?» et la réponse est: Risque zéro. Pas de droit à l’erreur
Le peuple est acquis à l’idée qu’un vide politique serait désastreux pour le pays. L’Etat doit rester debout et en marche. Le Peuple, ce 14 janvier, lui a restitué tout son lustre. Un gouvernement d’union nationale est en place. Le peuple accepte de composer mais il veillera au respect des règles du jeu. Il faut composer, parce que c’est le chemin de raison et le chemin le plus court pour aller vers un système démocratique. Alors soyons d’accord sur l’objectif final. On veut mettre en place un Etat de droit avec des institutions qui fonctionnent sur le mode démocratique. C’est-à-dire que l’équipe au pouvoir doit obtenir une majorité de suffrages. Le suffrage, c’est le peuple, qu’on le garde bien à l’esprit, ce n’est plus la raison d’Etat. On veut un parlement qui permet cette alternance. Et il faudrait également que tout ce dispositif institutionnel nous garantisse la stabilité. Il y a donc à choisir un modèle de référence. On ne veut pas d’un modèle à l’italienne avec une majorité volatile du fait de la multiplicité des partis.
Dans cette configuration, la majorité s’obtient souvent par recours à la coalition. Un gouvernement tous les ans, on n’aime pas. Regardons plutôt du côté anglo-saxon, c’est tout de même le berceau de la démocratie. Ce système se compose de deux formations de taille qui se relaient avec une périodicité supportable et commode. Nous serons bien inspirés de le reproduire. Un front démocrate qui agglomère toute l’opposition est une initiative plausible. C’est d’une certaine façon un test de vérité pour ces formations qui manquent de culture de pouvoir. Ce serait bien qu’ils réussissent à un test d’entente. Ils gagneraient, je le pense, en crédibilité. Ce ne sont là que des suggestions mais qui nous semblent assez proches de la volonté du peuple qui veut avoir en face de lui une formation politique capable de réaliser un scénario de rupture. A défaut, le peuple pourrait penser qu’il a été frustré de sa principale revendication et il serait tenté de «remettre ça».
Par Ali Abdessalem
Article publié le 18 janvier 2012 sur WMC