Mongi Rahoui, constituant et leader du parti unifié des patriotes démocrates (Watad), n’avait peut-être pas tort quand il avait anticipé les évènements et qualifié, le 15 décembre 2013, sur les ondes de radio Shems FM, le nouveau gouvernement chapeauté par Mehdi Jomâa, «d’un remake de l’ancien gouvernement de la Troïka», une troisième version calquée sur les deux premières, autrement dit, un gouvernement enclin aux professions de foi, au copinage économique et au gaspillage de l’argent public. L’Histoire lui a donné raison.
D’abord, cet aveu du gourou d’Ennahdha, Rached Ghannouchi. Dans une longue interview accordée au journal londonien, Asharq al-awsat, vendredi 30 mai 2014. Ce dernier avait déclaré que son mouvement est sorti du pouvoir exécutif et non du législatif. «Nous demeurons, a-t-il-dit, le plus grand groupe à l’Assemblée, qui est l’origine du pouvoir dans le pays, et partant, rien ne passe sans l’accord d’Ennahdha».
Le leader nahdhaoui, qui n’a été démenti par aucune partie politique, a confirmé ainsi de la manière la plus éloquente qui soit que c’est bien Ennahdha qui gouverne et qui dicte ses ordres.
Le campus universitaire Zitouna, un projet très cher aux islamistes
Vient ensuite la concrétisation au quotidien. La plus édifiante nous semble l’appel pressant que le chef du gouvernement, Mehdi Jomaa, a lancé le 26 juin 2014, pour la réalisation d’un campus universitaire Zitouna, à vocation théologique.
Ainsi, à un mois des prochaines élections et au moment où le peuple tunisien se bat, au quotidien, contre la précarité envahissante, le chef du gouvernement trouve le luxe de dépoussiérer un vieux projet très cher aux islamistes: le projet d’un nouveau campus de l’université Zitouna alors que le pays dispose déjà d’une belle faculté de théologie.
Mieux, au moment où ce gouvernement prétend avoir des difficultés pour nourrir le pays, Mehdi Jomaa est allé jusqu’à insister sur «la nécessité de commencer, dans les plus brefs délais, la réalisation de ce projet qui permettra de former une élite dans la civilisation islamique».
Le campus Zitouna, une composante d’un projet de société
Commentant l’évènement sur sa page Facebook, l’historien Adel Latifi estime que ce projet avait suscité une forte polémique au temps de Bourguiba et même au temps de l’époque coloniale. Il s’agit pour lui d’une composante d’un programme de choix de modèle de société. Sa dimension civilisationnelle est hautement stratégique pour le devenir du pays.
Il pense que vu sous cet angle, le projet gagnerait à faire l’objet, après les prochaines élections, d’un débat national au terme duquel les Tunisiens seraient appelés à l’option soit pour un régime laïc, soit pour un autre théocratique.
C’est pourquoi la décision d’entamer son exécution ne devrait, en aucune façon, relever des prérogatives d’un gouvernement provisoire et partisan.
L’historien a stigmatisé l’exposé des motifs selon lequel une telle université aurait pour mission d’inculquer aux jeunes un islam modéré et de dissuader l’islamisme djihadiste violent. Il a rappelé, à ce sujet, que l’existence en Egypte de l’imposante université Al Azhar n’a pas empêché l’émergence, dans ce pays, d’islamistes sanguinaires. Sans commentaire.
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