Le “front” réfractaire à de telles analyses au sein même de l’Assemblée constituante, ne se limite pas aux députés de la Troïka mais s’étend aussi à des députés de l’opposition. Les uns et les autres mettent en avant la nécessité de faire en sorte que l’assemblée tranche avant les prochaines élections la question de sa propre autonomie financière et administrative et de celle des futures assemblées parlementaires, “au nom du principe de la séparation des pouvoirs et afin de garantir les droits des fonctionnaires de l’institution législative et des députés de demain”. La présidente de la commission de législation générale, Kalthoum Badreddine, ne voit pas où est le problème.
Selon elle, la question de l’autonomie financière et administrative de l’assemblée parlementaire a été réglée par la nouvelle Constitution du pays et il ne pourrait y avoir de contestation à ce sujet. Aussi, la députée se dit-elle surprise par les thèses liant cette question aux indemnités dues aux constituants à titre d’arriérés de prime de logement.
Alors même que, argumente-t-elle, le projet de loi de 11 articles n’évoque les volets financiers et des primes que dans son article 8. Ce dernier attribue au président de l’Assemblée nationale constituante un “pouvoir discrétionnaire” pour fixer par arrêté le montant des primes, indemnités parlementaires et autres compensations au profit des députés.
Kalthoum Badreddine rappelle aussi que le projet de loi ne date pas d’aujourd’hui. “Voilà déjà près d’une année que le texte a été transmis au bureau de l’assemblée qui n’a pas fait d’observations à son sujet à la commission compétente, ce qui signifie que la question de son adoption en séance plénière après l’Aid Al-Fitr est loin d’être totalement réglée d’avance”, ajoute-t-elle.
Lui emboitant le pas, la rapporteure de la même commission, Sana Mersni, trouve “prématuré” de parler d’examen du texte après l’intermède de l’Aid Al-Fitr, compte tenu de l’importance d’autres projets de loi, eux aussi en instance d’examen, à l’instar de la loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent. Elle a, en même temps, minimisé les propos sur un supposé lien avec “la recherche d’une issue juridique pour décaisser les arriérés de prime de logement au profit des députés”, comme le soutiennent certaines voix critiques à l’endroit de l’Assemblée constituante et de son fonctionnement.
Toujours est-il que les députés de la Troika, tout comme ceux de l’opposition, ont vite fait de profiter de l’aubaine de la vague de soutien à l’octroi d’une autonomie financière et administrative à l’Assemblée nationale constituante, avec un credo tout trouvé: “L’impératif de matérialiser le principe de séparation des pouvoirs et de conforter l’indépendance de l’assemblée parlementaire vis-à-vis du pouvoir exécutif”. Mais la vague de soutien perd aussitôt de sa force dès qu’elle bute sur l’écueil des divergences des vues des députés sur la question.
Chacun y va de sa partition en solo pour tenter de se distinguer des autres. Les uns ne voient pas d’opportunité au paiement des arriérés de prime de logement, au motif que la conjoncture économique du pays ne le permettrait pas et que l’austérité s’impose à tous, d’autant que “les députés privés de prime de logement depuis 19 mois n’ont pas éprouvé de gêne particulière”, comme l’a fait remarquer la députée d’Al Massar Salma Baccar.