Tunisie-Religion et politique : Prêchi prêcha et le Cheikh continue comme si de rien n’était

Mais si contre cela, les pouvoirs publics sont désarmés quand bien même ils voudraient bien envisager de faire quelque chose, que dire alors des prêches à la tribune des mosquées de dirigeants d’Ennahdha, au premier rang desquels le chef suprême du Parti islamiste Rached Ghannouchi. Tous les vendredis que le bon Dieu fait il fait son sermon devant des centaines de fidèles. Son prêche est bien sûr enregistré et la vidéo est diffusée sur site officiel du mouvement ainsi que les pages sur Facebook et sur les autres réseaux sociaux, officiels ou non. Rien que pour le prêche de vendredi 6 ramadan (4juillet) et rien que sur la page officielle du président du mouvement il y a eu plus d’un millier de partages de la vidéo concernant le sermon de Rached Ghannouchi ce jour-là. C’est dire que plus d’un million de personnes au moins ont pu la regarder. Dans ce prêche le chef islamiste donne sa fatwa de la proclamation du califat islamique mais aussi il explique pourquoi les électeurs potentiels tardent à vouloir s’inscrire sur les listes électorales. On est bien au cœur même de la campagne électorale.
Je suppose qu’il en sera ainsi durant les prochaines semaines y compris pendant les campagnes électorales. Personne ne peut croire que dans ses sermons Ghannouchi se contentera de parler des règles de la prière ou de ce qui est licite de ce qui ne l’est pas lors du pèlerinage.
La Mosquée en pays d’Islam est le lieu cardinal où les affaires de la cité sont évoquées sinon disséquées et on voit mal le président d’Ennahdha faire l’impasse sur ces questions-là précisément. Car on l’attend sur ce terrain et il ne manquera pas d’exploiter cette tribune privilégiée pour donner son avis sur les questions qui agitent la société. Tribune privilégiée car c’est le lieu où on ne peut apporter la contradiction au prêcheur. Lui parle tous les autres écoutent respectueusement et n’ont pas droit au chapitre. Il faut savoir que la prière du fidèle est frappée de nullité s’il dit un seul mot à son voisin lorsque l’imam parle comme on ne manque pas d’ailleurs à le rappeler au début de la prière du vendredi en se basant sur des hadiths du prophète.
Qui oserait appeler le président du parti islamiste à arrêter ses prêches du vendredi au moins pendant les campagnes électorales qui dureront un mois pour les deux scrutins. Il ne sera pas seul dans ce cas. Plusieurs dirigeants d’Ennahdha sont dans la même posture. Des Imams à l’occasion. Leur seule présence est en elle-même une indication vers quoi leurs cœurs penchent. C’est en soi plus qu’un discours.
Il faudrait que les parrains du dialogue national puissent être saisis d’une question aussi cruciale dont dépend pour beaucoup le climat serein qui doit prévaloir en vue de mener les élections à bon port.

Raouf Ben Rejeb