Des experts internationaux ont souligné jeudi à l’unanimité que la récupération des biens détournés de la Tunisie dépend essentiellement de l’existence d’une volonté politique et d’une expertise judiciaire dans le cadre d’une coopération internationale.
Lors d’une conférence internationale sur « la récupération des avoirs mal acquis de l’étranger » organisée à Tunis à l’initiative de l’organisation I Watch, les experts ont souligné l’importance de créer une structure nationale permanente qui se charge de la restitution des avoirs détournés et de la garantie de la bonne gestion des fonds récupérés.
Les intervenants ont noté que l’opération de récupération des biens détournés peut prendre des années et ce, en raison de la difficulté de prouver que les fonds sont vraiment illicites.
Mouheb Garoui, directeur exécutif de I Watch, a estimé que le gouvernement actuel ainsi que celui qui l’a précédé n’ont pas manifesté leur volonté de restituer les biens détournés de la Tunisie alors que le pays connaît une crise économique importante.
« La Tunisie a aujourd’hui besoin, plus que jamais, de restituer tous ses biens à l’étranger pour les investir dans le développement régional et la création d’emplois pour les jeunes », a-t-il souligné dans une déclaration à l’agence TAP. Pour sa part, Kenda Hatr, coordinatrice du Maghreb Arabe au bureau de la région MENA (Moyen-Orient Afrique du Nord) de l’organisation Transparency International a mis l’accent sur la nécessité de renforcer la coopération internationale pour pouvoir restituer l’argent détourné.
Elle a, en outre, souligné l’importance du rôle de la société civile, des médias et du secteur privé dont essentiellement les banques (divulgation du secret bancaire) dans la récupération des biens. Elle a ajouté que la conférence s’inscrit dans le cadre d’un projet de recouvrement des biens mal acquis à l’étranger élaboré conjointement par l’organisation I WATCH et Transparency International et ses différentes sections dans le monde.
Hatr a précisé que la restitution des avoirs détournés constitue une priorité dans la région MENA, notamment la Tunisie, l’Egypte, La Libye et le Yémen. « Ce projet lancé au début de 2014 vise à renforcer le rôle de la société civile, à aider les gouvernements à recouvrer les biens spoliés et à circonscrire l’impunité dans ce domaine », a-t-elle dit. Oscar Solorzano, expert et chercheur au centre international de récupération des biens détournés (International center for asset recovery-ICAR) a indiqué que « la Tunisie n’a pas récupéré à ce jour tous ses biens détournés parce qu’elle n’a pas été jusqu’ici capable d’ordonner la confiscation dans ses tribunaux des comptes qui ont été bloqués en Suisse ».
« Cela dépend, selon lui, de l’existence d’une volonté politique, d’une part, et d’une expertise judiciaire capable de prouver que ces biens sont illicites, d’autre part ».
Il a, par ailleurs, rappelé qu’en janvier 2014, le procureur général de la Confédération a décidé la remise anticipée des deux tiers des fonds bloqués en Suisse à la Tunisie soit 40 millions de dollars sur un total de 60 millions. La conférence à laquelle ont pris part des représentants de la société civile et des experts et juristes tunisiens et étrangers sera couronnée par des recommandations visant à activer les efforts de l’Etat et de la société civile pour récupérer les avoirs mal acquis à l’étranger.