Le salafisme jihadiste en Tunisie et dans le Maghreb, thème d’un colloque

La violence politique, qu’elle ait ou non pour toile de fond la religion, s’abreuve du climat de discorde et d’anarchie, et tire avantage de l’échec du projet de transition démocratique à consacrer le dialogue et le consensus entre les protagonistes et à instaurer la paix civile, la justice sociale et le développement intégral.

Cet avis a été exprimé par l’universitaire Sami Braham, chercheur à l’Institut tunisien d’études stratégiques, lors d’un colloque sur « Le salafisme jihadiste en Tunisie et dans la région maghrébine » organisé, samedi, à Dar Dhiafa à Carthage.

Chaque fois que le projet de transition démocratique parvient à réaliser des succès politiques et sociaux, les conditions objectives génératrices de violence politique, en particulier de violence idéologique, s’en trouvent en régression, a-t-il fait remarquer.

Le courant salafiste jihadiste, a ajouté ce chercheur, met à profit le climat d’anarchie, « l’anarchie déferlante » ou « l’anarchie sauvage » comme l’appellent les partisans de ce courant, pour mettre sur pied un projet alternatif en lieu et place du projet existant « qui n’a pas tenu ses promesses ».

Selon ce chercheur, le sort des jihadistes tunisiens en Irak et au Levant sera déterminé par l’issue du conflit en cours dans cette région, « supposée être le centre névralgique de l’Etat du califat ».

En cas d’échec de ce projet, le retour des jihadistes prendrait, à son avis, l’allure soit d’un retour vengeur, soit d’un retour des frustrés, ce qui commande à la communauté nationale de s’y préparer, a-t-il ajouté.

Pour un autre chercheur, Jihad Haj Kacem, lui aussi de l’Institut tunisien des études stratégiques, les quartiers populaires, la ceinture de la pauvreté et ce qu’il appelle « les villes de poussière » en périphérie de la capitale et des grandes villes tunisiennes sont plus prédisposées que d’autres à la prolifération du courant salafiste jihadiste.

Ce chercheur a qualifié la situation des jeunes partisans de ce courant de « situation de fracture » ou de « de précarité sociale » tant leur sentiment est grand d’être peu intégrés dans le tissu social, dans la vie économique et dans le système d’enseignement.

C’est pourquoi, a-t-il dit, ils basculent facilement dans la mouvance idéologique salafiste jihadiste qui, dans leur esprit, offre l’avantage de leur procurer « une identité sociale à même de leur permettre de vaincre leur condition de marginalité et de fracture ».

Pour Haj Kacem, l’approche sécuritaire est inopérante à elle seule et ne permet pas de faire front au salafisme jihadiste car une grande partie des jeunes salafiste ne sont pas violents mais plutôt embarqués dans des élucubrations qui les dépassent, d’où la nécessité de procéder à leur égard selon une approche plus globale intégrant les volets social et économique.

Le directeur général de l’ITES, Tarek Kahlaoui, estime surtout que ce serait une erreur que de laisser croire que le terrorisme en Tunisie est apparu après la révolution. Il a soutenu que le courant jihadiste remonte aux années 1980 mais n’a gagné en vigueur qu’après l’attentat terroriste du 11 septembre 2001.