Conférence internationale sur l’installation de l’Instance « Vérité et dignité »

Une conférence internationale s’est tenue, lundi au Bardo, sur l’installation de l’Instance « Vérité et dignité ». La rencontre a été ouverte par les trois présidents, en présence de nombre de personnalités nationales et internationales, de représentants d’ONG, des membres du gouvernement, de députés et d’experts en justice transitionnelle en provenance de pays frères et amis.

Les 15 membres de l’instance nouvellement constituée ont été présentés au public présent, une semaine avant leur première réunion officielle (17 juin) pour l’examen des violations présumées des droits de l’Homme commises depuis 1955, date de l’accession de la Tunisie à l’Autonomie interne, détonateur de la sédition youssefiste.

« Il ne saurait y avoir de système démocratique durable tant qu’il n’est pas procédé à un inventaire sérieux des erreurs du passé », a soutenu le président de la République provisoire Moncef Marzouki du haut de la tribune de cette conférence, soulignant la nécessité de vaincre les injustices commises par l’ancien régime à l’endroit de régions restées défavorisées, de divers courants idéologiques et politiques, de forces économiques, d’associations et d’organisations.

Le retard pris dans la mise en place du système de justice transitionnelle n’a fait qu’aggraver le sentiment d’injustice et d’impuissance dans l’esprit des victimes, a ajouté Marzouki, mettant en évidence l’importance qu’il y a de rendre justice aux victimes de l’arbitraire et de remonter le moral des familles des martyrs et blessés de la révolution. Il a appelé le gouvernement à mettre tous les moyens matériels nécessaires à la disposition de l’instance afin qu’elle puisse remplir au mieux sa mission, précisant que la Présidence de la République remettra à l’instance une documentation relative à l’ancien régime.

Le président de l’Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaafar, a de son côté, indiqué que l’instance aura entre autres pour rôle de réhabiliter les victimes des abus du passé et de demander des comptes aux auteurs de ces abus, outre l’instauration des principes de justice et l’enracinement de la culture des droits de l’Homme. Ben Jaafar a appelé la société civile à soutenir le travail de l’Instance et à oeuvrer en faveur du succès du processus de transition, assurant qu’il est désormais du devoir de l’Etat de protéger les droits des citoyens et de faire en sorte que les violations des droits de l’Homme ne se reproduisent plus jamais.

Quant au chef du gouvernement provisoire, Mehdi Jomaa, il a mis en avant la responsabilité de l’Etat pour ce qui est de réunir les conditions à même d’empêcher que les abus du passé ne se reproduisent, notamment à travers la réforme des institutions de l’Etat. Jomaa a assuré que le gouvernement donnera à l’instance les moyens de son action, précisant que l’instance s’était déjà vu remettre un siège équipé et opérationnel. L’ONU a fait part, au cours de cette conférence, de son soutien à l’instance « Vérité et dignité ».

Le coordinateur résident des Nations Unies à Tunis, Mondher Thabet, a ainsi estimé que cette instance sera une source de rayonnement international de la Tunisie en matière de justice transitionnelle.

De son côté, la haute commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme a exprimé ses félicitations à la Tunisie. Encore une fois, a-t-elle déclaré par vidéo-conférence, « la Tunisie conforme sa position de leadership et s’affirme comme un modèle du genre dans la région en matière de protection des droits humains ».

Pour David Tolbert, président du Centre international de la justice transitionnelle, la mise en place de l’Instance « Vérité et dignité » constitue « une avancée importante et pionnière » pour l’avènement de la justice en Tunisie, estimant indispensable d’appliquer la loi sur la justice transitionnelle et de vaincre les écueils que pourraient rencontrer les membres de l’instance.

Il a aussi plaidé pour la coopération avec la société civile, les victimes et les parties compétentes. Les travaux de la conférence devaient se poursuivre toute la journée par la discussion des priorités de l’Instance et des défis qu’elle aura à relever au vu des expériences comparées.

Des communications sont prévues au programme, notamment concernant les principes de la justice transitionnelle, les enjeux du processus tunisien, les défis rencontrés par la commission Vérité et dignité. Il y aura aussi des workshops, notamment sur le rôle de l’Instance pour ce qui est de tourner la page de la dictature et la position conférée à l’instance par rapport aux autres acteurs de la justice transitionnelle.