Au regard des multiples témoignages des voisins kasserinois du ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, à la cité Ezzouhour à Kasserine, cette attaque, n’eût été l’assassinat de quatre jeunes policiers à la fleur de l’âge, aurait été prise plus pour un film hollywoodien du genre «le Joker» de Jack Nicolson que pour un acte terroriste barbare.
Les faits sont hélas têtus. Beaucoup d’éléments militent en faveur d’un assassinat politique en dépit de la tendance officielle à opter pour la thèse terroriste.
Zoom sur les zones d’ombre de cette attaque.
Faits et témoignages
Les témoins ont évoqué des jeux pétards allumés au début et à la fin de l’opération. Il s’agissait pour un jeune averti de la cité Ezzouhour, invité par la chaîne Ettounissia, d’avertir les commanditaires qui suivent de loin l’opération et de son déclenchement et de son succès.
Ces témoins ont parlé du quadrillage systématique des lieux par les assaillants encagoulés où sont implantés, dans un rayon de 200 mètres carrés environ, un poste de gendarmerie (4 mètres de la maison de Ben Jeddou), un poste de police (50 mètres de la maison attaquée) et le district de la sécurité (200 mètres).
Mieux, les témoins, y compris un député de l’Assemblée nationale constituante (ANC), en l’occurrence Mohamed Ali Nasri (voisin de Ben Jeddou), ont parlé, après l’accomplissement de ce crime ignoble, d’ambiances festives au sein des assaillants (défilés dans la rue avec des tirs de kalachnikovs en l’air et cris de victoire au nom d’Allah «Allah wa akbar».
La cerise de ce spectacle cauchemardesque: un des assaillants aurait même eu le temps matériel d’allumer et de fumer une cigarette avant de disparaître dans «la nature» avec ses compagnons et armement dont un bazooka (lance roquette RPG).
Dans un acte suicidaire, des jeunes de la cité, martyrisés par l’atrocité du crime et par des sentiments d’impuissance devant l’impunité et les armes, avaient essayé de contrer, avec un courage inouï, les assaillants par des jets de pierre.
Toujours selon ces même témoignages qu’aucune partie officielle n’a osé démentir jusque-là, les forces de sécurité (police, gendarmes, militaires, protection civile) ne se seraient manifestées que trois quarts d’heure après l’acte criminel.
Thèse terroriste
Réagissant à cette attaque, officiels, policiers et experts sécuritaires n’ont pas hésité, une seconde, pour qualifier, presque en chœur, «d’acte de représailles aux succès remportés, ces temps-ci, par la police en matière de lutte contre le terrorisme» et à attribuer cette attaque à un groupe terroriste conduit par un djihadiste algérien et descendu du mont Salloum jouxtant la cite Ennour à Kasserine.
A aucun moment le retard de l’intervention des forces de sécurité de la ville de Kasserine n’a été abordé.
Seul le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Laroui, pressé par la fronde des Kasserinois de la cité Ennour et des analystes sur les plateaux audiovisuels, a osé parler, vaguement et sans grande conviction, de l’ouverture d’une enquête pour déterminer les responsabilités.
Un mot sur les experts. Ces derniers ont saisi cette opportunité pour insister, et ce pour la énième fois, sur l’enjeu qu’il y a pour la Tunisie à mettre en œuvre une stratégie claire et cohérente pour lutter avec efficience contre le terrorisme, relevant que les quelques succès, remportés récemment contre ce fléau, sont d’ordre tactique et non stratégique.