Les divergences ont persisté, mardi, à l’Assemblée nationale constituante entre les membres de la commission de législation générale et ceux de la commission des compromis au sujet de la proposition de loi relative à la création de chambres de justice ad hoc, spécialement chargées de juger les affaires des martyrs et blessés de la révolution. S’il venait à être promulgué, ce texte entrainerait automatiquement le dessaisissement des tribunaux militaires permanents.
Ayant été retourné la veille par la séance plénière à la commission de législation générale pour un complément d’examen, la réunion conjointe tenue mardi par les membres de cette commission avec ceux de la commission des compromis n’a pas permis de parvenir à un consensus. Les divergences ont porté principalement sur trois propositions d’amendements présentées respectivement par l’Alliance démocratique, Ettakatol et un autre groupe de députés.
Une partie des participants à la réunion ont soutenu la proposition de l’Alliance démocratique. Cette dernière préconisait l’amendement de l’article 5 du Code de justice militaire et la redéfinition exacte des crimes et délits militaires, parallèlement à l’amendement du décret-loi organisant les forces de sécurité intérieure.
Le député de l’Alliance démocratique et membre de la commission des compromis Mohamed Gahbiche, a estimé nécessaire de trouver une solution juridique au problème afin de ne pas déroger à l’article 149 de la Constitution. L’article en question dispose, en effet, que les juridictions militaires continuent de statuer sur les affaires des martyrs et blessés de la révolution. Selon lui, la proposition de son parti permet aux tribunaux militaires de s’auto-dessaisir impérativement.
Il a aussi fait état de la possibilité qu’auront les familles des martyrs et blessés de la révolution de saisir l’Instance Vérité et dignité pour faire rejuger ces affaires. Le député du Congrès pour la République et membre de la commission de législation générale Samir Ben Amor voit par contre que l’amendement du Code de justice militaire pourrait prendre trop de temps.
C’est pourquoi, d’après lui, le soutien de son parti va plutôt aux propositions d’amendement d’Ettakatol en faveur de la modification de l’article 8 de la loi sur la justice transitionnelle de manière à y mentionner le création de chambres de justice spécialisées pour juger les affaires des martyrs et blessés de la révolution, lesquelles chambres seraient rattachées au Tribunal de première instance de Tunis et à la Cour d’appel de Tunis.
Une des autres propositions d’amendement concernent le versement de toutes les affaires d’homicide et de blessures volontaires aux nouvelles chambres de justices envisagées, ce qui entraInerait le dessaisissement automatique de la justice militaire.
Concernant le principe même de la proposition de loi, les députés Mohamed Tahar Iléhi et Karim Krifa ont maintenu leur opposition à ce texte au motif qu’il s’agirait de “la première tentative de violation de la Constitution”. Le chef du groupe parlementaire d’Ennahdha et membre de la commission des compromis Sahbi Atig a demandé de son coté de consacrer suffisamment de temps à l’examen en commission de la proposition de loi avant de l’inscrire de nouveau à l’ordre du jour de la séance plénière.
Il a suggéré à ce propos de tenir des séances d’audition du ministre de la Justice, des droits de l’Homme et de la justice transitionnelle et l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire. Dans une déclaration de presse, la présidente de la commission de législation générale, Kalthoum Badreddine, a jugé de son côté incontournable l’amendement du Code de justice militaire. Si ce code n’est pas modifié, il ne sera pas, juridiquement, possible de dessaisir la justice militaire, a-t-elle dit.
Les commissions de législation générale et des compromis devaient continuer à plancher, mardi après-midi, sur les solutions juridiques pour créer des chambres de justice ad hoc sans tomber sous les coup des articles 110 et 149 de la Constitution.