Depuis l’émergence du mouvement artistique en Tunisie, dans les années 50 et 60, jusqu’à l’apparition du concept d’Art contemporain, au milieu des années 80, l’écriture plastique a connu des changements intimement liés à la mondialisation et à l’ouverture sur de nouveaux concepts d’expression artistique.
Le processus de développement des arts plastiques et ses retombées sur l’uvre et l’artiste lui-même, dans un monde où les barrières religieuses et géographiques sont désormais caduques, a été au centre d’un débat, organisé lundi, au Club Tahar Haddad, entre artistes peintres tunisiens et étrangers participant au 1er Salon d’Automne International de Tunisie (16-31 mai courant).
“Le mouvement pictural en Tunisie est né avec l’orientalisme, identique à celui apparut en Europe, que nous avons développé en un néo-orientalisme”, souligne Houcine Tlili, enseignant en Histoire de l’Art à l’Ecole des Beaux Arts de Tunis.
Par la suite, il y a eu un tas de révoltes artistiques, d’où la naissance d’une tendance moderniste sur la base d’une école abstraite dirigée par Tahar Belkhodja, suivie d’autres écoles, nées en milieu des années 1980, basées sur la figuration critique, rappelle-t-il.
Le développement d’un courant artistique en Tunisie sur la base d’une école abstraite a donné lieu à “une rupture qui s’est faite d’une manière variée” selon l’expression de Tlili
L’écriture plastique en Tunisie ne pose plus le problème identitaire des années 50 et 60, insiste l’académicien. Cet avis est pleinement partagé par certains artistes présents qui soulignent l’impact, tant positif que négatif, de la mondialisation sur l’art plastique.
“Il n’y a pas une seule culture mais plutôt des cultures qui se nourrissent les unes des autres”, explique Noël Coret, président du Salon d’Automne International(SAI).
Evoquant l’intérêt du SAI depuis sa création au début du vingtième siècle jusqu’à la naissance du SAI International, 10 ans auparavant, Coret souligne cet aspect “universel et pluridisciplinaire de la culture artistique” en tant que passerelle qui enjambe les frontières pour relier l’Occident à l’Orient.
“Créer des situations d’échange et donner la voix aux sans voix”, est tout l’intérêt de ce Salon qui prône le défi de lancer des passerelles “pour contribuer à l’enrichissement des oeuvres à travers la diversité, l’inspiration et le partage”, dit-il.
Toutefois, le concept d’art contemporain a laissé place à une véritable dictature qu’est la sienne, constate le président du SAI qui s’alarme sur le sort des artistes devenus marginalisés dans un monde d’art numérique.
Au SAI Paris, on accepte l’art conceptuel pourvu que ça ne soit pas au détriment de l’art plastique, lance Coret.
Le concept d’art contemporain créé aux Etats-Unis, qui submerge l’Europe pour se répandre un peu partout dans le monde est vivement critiqué par Abdejabbar Naimi, artiste- peintre irakien vivant en Tunisie. L’artiste fustige ce concept qui “fait perdre à l’uvre toute son utilité”.
L’art contemporain est, actuellement, dans une impasse, selon cet artiste qui ne manque pas d’afficher sa révolte contre l’art moderne et donne l’exemple de l’expérience artistique mexicaine qui selon l’avis des experts dans l’art “a gardé toute son authenticité et son identité”, souligne-t-il.
La finalité de l’art définie comme “un outil de partage, de communion et d’échange qui réunit les peuples” apprécie la doyenne des artistes peintres français et présidente d’honneur du SAI, Monique Baroni qui s’acharne sur la nécessité de garder sa personnalité” dans un domaine basé sur le concept où tout se ressemble d’où la perte de l’identité personnelle.
“On parle beaucoup de l’importance de préserver son identité alors qu’on est constamment bombardé par un nombre infini d’images”, s’exclame Nadia Zouari, jeune artiste peintre.
Et d’ajouter, dans l’art abstrait c’est difficile de se différencier côté identitaire mais cela n’empêche que dans chaque uvre, il reste toujours une trace identitaire.