Les borjs, ou anciennes habitations à Sfax, ont enregistré une régression importante durant les dernières années sous la menace d’une expansion urbaine anarchique.
Un cri d’alarme “sauvons les Borjs” a été lancé par l’historienne de l’Institut National du Patrimoine, Sihem Kallel Ben Amor, mettant à l’indexe la transformation de certains borjs en locaux pour des activités industrielles polluantes.
L’experte a appelé à l’urgence d’identifier l’emplacement géographique où se trouvent les borjs et d’archiver des photos de ces bâtiments sur supports numériques d ans une base de donnée spécialisée.
Les dangers qui pèsent sur les borjs menacent aussi de disparition un palette de métiers et de savoirs traditionnels qui étaient autrefois intimement liés à ce style architectural des habitations traditionnelles à Sfax. Il s’agit en particulier des ustensiles de cuisines, des instruments agricoles ou encore des éléments de décorations, les meubles et les costumes traditionnels, qui sont autant de composants reflétant des aspects du mode de vie traditionnel des familles sfaxiennes.
Un dossier devrait être remis à la commission nationale du patrimoine pour adopter des mécanismes de protection et les procédures prévues par l’article 4 du code du patrimoine qui classe les borjs comme monuments historiques afin de les protéger de tout acte de destruction ou de détérioration.
Les borjs, qui dégagent les relents d’une histoire riche de souvenirs et de traditions, reflètent l’attachement fort des sfaxiens à leur région. Ces sentiments ont été affirmés lors de la tournée culturelle à travers les 13 borjs, qui se dressent encore dans la région de Sfax, organisée par l’association des amis des arts plastiques de Borj Kallel de Sfax pour sensibiliser aux dangers qui menacent d’extinction ces monuments architecturaux.
Bâtis comme des citadelles avec de hautes murailles, les borjs sont apparus au 17ème siècle avec l’émergence dans la société sfaxienne des résidences secondaires pour la saison d’été et le printemps pour se réjouir des délices des grands espaces aux côtés d’une résidence située dans la vieille ville de Sfax lieu de leur activité professionnelle.
Ces traditions ont été rapportées par des historiens dont Mahmoud Meghdish ou les récits d’anciens voyageurs dont DESFONTAINES, qui avait écrit “que les citoyens les plus riches passent une partie de l’année dans leurs jardins où ils ont des maisons de campagne forts agréables”.
Etant au départ un privilège réservé aux grandes familles sfaxiennes, cette pratique est désormais dans les habitudes d’une grande partie des sfaxiens.
Le Borj situé au milieu d’un grand jardin avec une forme carrée et des murs épais de pierre en haut desquels on retrouve de petites fenêtres préservant du froid en hiver et de la canicule en été. Ces habitations disposent d’une seule grande entrée sous forme d’arcade. Le toit en dôme est réalisé avec des briques fixées avec du plâtre sous la forme d’une carapace de tortue. Les techniques de construction des toits ont évolué pour utiliser désormais le bois.
L’architecture des borjs apporte sérénité et sécurité à ses habitants. Un sentiment que peuvent ressentir que ceux qui ont habité ce type de construction au temps où l’éclairage se faisait avec les traditionnelles lanternes pour accompagner les soirées en famille après une longue journée de travail.
L’art architectural des Borjs a connu trois étapes historiques inspirées du modèle des habitations traditionnelles des vieilles villes arabes. Ces habitations se distinguent par un grand patio au milieu avec des façades décorées de carreaux de faïences et de marbre dont les dessins rappellent ceux de l’architecture mauresque.
Cet espace à découvert est entouré de chambres à coucher des parents, des enfants et des invités dans lesquelles on a prévu des niches pour ranger les affaires. Ces habitations comportent également un pavillon cuisine, salle de bain et un grenier.
Au dehors, un espace surélevé et des banquettes en pierre sont aussi aménagés pour leurs heures de distraction et de repos en famille.
Ce modèle architectural est aujourd’hui reproduit, dans une certaine mesure, dans les habitations modernes et constituent une source d’inspiration pour les architectes et les décorateurs d’intérieurs dans la région de Sfax. Des associations oeuvrent également à préserver les borjs et à les inclure dans le dossier de candidature de Sfax à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Cette revendication a été fortement clamée par l’experte en patrimoine Samia Akrout qui a appelé à intégrer les borjs dans le paysage architectural de la région de Sfax et ses plans d’urbanisation.
Ces efforts seront encore plus visibles lors de la célébration de Sfax capitale de la culture arabe, de l’ALECSO en 2016.