Le palais Abdellia s’est transformé hier et pour la deuxième soirée consécutive à une véritable caisse à résonance de Redeyef (Gafsa), l’aigle rivé sur sa cime. Artistes de renommée et citoyens inconnus ont présenté le fruit de leur travail dans le cadre du projet d’art itinérant “Siwa”, mené par un collectif d’artistes français et tunisiens avec des jeunes du bassin minier.
Ensemble, ils ont livré chacun, à sa manière, les secrets et les mystères d’une vie dans un Bassin miné par la pollution, la misère, le chômage et le désarroi.
Le parolier et chanteur populaire Salah El-Farzit, la célèbre chorégraphe Imen Smaoui, l’artiste français Julien Fezans (création sonore), Brahim le berger, Mohamed Abidi, gardien-serviteur du mausolée Sidi Marzoug El Ajmi et bien d’autres…
se sont réunis pour donner une performance chorégraphique où le mouvement étudié d’Imen et la gestuelle spontanée du berger, avaient une seule voix:
une dédicace pour Redeyef. Au rythme des sonorités du nay et du tambour, du chant populaire accentué par les paroles du Rap, la représentation a permis au public cosmopolite présent d’assister à de véritables moments de transe dans l’ambiance de la Hadhra. Dans cette dédicace artistique, la photographie en noir et blanc exposée par terre invite, dans cette manière symbolique, le visiteur à faire un effort pour saisir le vide d’une terre dans laquelle ils vivent mais qui ne leur appartient pas. De ce silence, se dégagent des installations sonores, des voix qui cherchent à être visibles: ils existent et ils rêvent comme tous d’un avenir meilleur et d’une vie digne de leurs premiers cris étouffés lors des événements du bassin minier en 2008.
A travers des portraits filmés, la gestuelle, le regard et les visages maussades priment sur le langage des lèvres d’où se dégagent un écho, un cri, une douleur et un espoir. Né en 1994, Sami Ammar a choisi le support papier: “Moi, je ferai l’impossible pour m’en sortir…et j’y parviendrai”. Kadhem Ennemsi a marqué sur un calendrier ses souvenirs au quotidien : retour au passé, les vents du nord soufflent sur les gens du sud…
Dépassant leurs sentiments d’humiliation, d’injustice et de souffrance, “les gens du sud débordent d’énergie” écrit encore Sami. Et pour que cette énergie ne tourne pas au vide, chacun d’entre eux a pu découvrir son talent: chant, danse… en puisant dans leur histoire et dans leur patrimoine musical local, tel que le chant “zendani” des années 70 revisité par Salah El-Farzit dans un spectacle qui a débordé avec une transe finalement contrôlée.