“Le Challat de Tunis” : L’affaire de la balafre 2003 revue par la caméra de Kaouther Ben Hania

Satirique, violent et parfois drôle, le premier long-métrage “Le Challat de Tunis” (Challat Tounes), de la jeune réalisatrice Kaouther Ben Hania, a été projeté mardi soir à la salle “Le Rio” à Tunis, à l’initiative de l’association des Femmes Démocrates (AFD) suivi d’un débat en présence de la réalisatrice.

En s’inspirant d’un fait divers, vieux de 10 ans, Ben Hania a voulu recomposer, dans un scénario qu’elle a commencé à écrire en 2009, les faits dans une fiction documentaire où l’imaginaire et le réel s’entremêlent et où la limite entre eux semble insaisissable voire ambiguë. En 2003, une rumeur avait circulé dans la Capitale, autour de la présence d’un prétendu “challat” (jargon tunisien) à moto qui balafrait le bas des dos des femmes, qu’il croisait dans les rues de Tunis et ses banlieues.

Dix ans plus tard, Ben Hania mène son enquête pour tenter de lever le voile sur les dessous d’une affaire dont le vrai auteur, toujours inconnu, suscita longtemps la terreur auprès de la gente féminine. Une terreur qui s’emparait aussi de la police et du pouvoir en place voulant étouffer l’affaire jusqu’à faire porter le chapeau à un jeune nommé Adel Dridi. Issu d’un quartier populaire à Tunis, ce “bouc-émissaire” au casier judiciaire, pas tout à fait blanc, entre dans le jeu du film : le coupable ou l’accusé devient lui même l’acteur principal.

“Qu’importe que ça soit moi le challat où un autre, à partir du moment où on est tous des challats”, répond-t-il, d’un ton ironique à la cinéaste venue le voir au parloir lors de sa deuxième incarcération (pour une autre affaire) après avoir purgé sa peine.

Onze filles victimes et onze années derrière les barreaux pour un crime qu’il n’aurait pas commis, le jeune Adel garde le sourire, la volonté de surmonter les obstacles et le rejet d’une société en mal de vivre.

Réalité ou fiction, son apparition dans le film en tant qu’héros de son propre calvaire est plus qu’une révélation que l’injustice dont il a fait l’objet n’a pas réussi à tuer l’espoir qui l’habite. Et l’énigme du “challat” persiste: le vrai criminel demeure introuvable.

“J’ai voulu faire un film où il y’a une part de vérité” a confié la cinéaste. Le fait divers s’est transformé en une fiction de laquelle est née un film marquant le début d’un parcours d’une femme qui a voulu manier, à la fois, les genres cinématographiques, l’écriture et la mise en scène.

De formation cinématographique, Kaouther Ben Hania, native de Sidi Bouzid, signe par “le challat de Tunis” son premier long métrage: un remake du vrai challat, une oeuvre cinématographique à l’affiche des salles de cinéma à la capitale jusqu’au 10 avril: Amilcar (El Manar), Le Rio, Mad’Art Carthage et à El Hambra à la Marsa.