Tunisie – USA – Soutien économique : Beaucoup de bruit pour rien!

“La visite de Mehdi Jomaâ aux Etats-Unis a été très productive. Outre le président Obama, il a rencontré le vice-président Byden et Susan Rice. Il a également eu des entrevues avec des membres du Congress et des opérateurs de l’envergure des firmes de Google, de Microsoft et d’autres. Nous sommes soucieux de renforcer la présence des firmes américaines en Tunisie ainsi que de la concrétisation de l’accord de libre-échange (TIFA) entre nos deux pays”.

Des paroles, que des paroles et rien que des paroles provenant de Jacob Walles, ambassadeur US en Tunisie lors d’une conférence de presse organisée mardi 8 avril suite à la visite d’Etat effectuée par le chef du gouvernement aux States.

Beaucoup de bruit pour rien, ou plutôt une visite test. C’est ce qui ressort de la visite de Mehdi Jomaâ aux Etats-Unis. Mehdi Jomaâ, qui ne s’est pas invité lui-même mais auquel la toute puissante Amérique a «concédé» une visite d’Etat pour, semble-t-il, soutenir la transition démocratique.

Les États-Unis se sont portés garants de la Tunisie pour le montant de 500 millions de dollars -waw!- à emprunter sur les marchés financiers internationaux. Ils estiment ainsi prouver leur bonne volonté et montrer qu’ils accordent un préjugé favorable au gouvernement Jomaâ.

Chez nous il y a un proverbe populaire qui résume cette aide par ces trois mots: «Ezgharid Akthar mil Couscssi» (Il y a plus de youyou que de couscous pour satisfaire à sa faim)…

Au-delà de l’accueil chaleureux réservé au chef du gouvernement tunisien et à sa délégation, rien de concret ni de consistant. Une garantie pour un montant dérisoire et à la limite risible venant de la première puissance mondiale initiatrice des Printemps arabes… Nous nous attendions à mieux pour le soutien de la transition démocratique et des printemps arabes “marketés» avec une vigueur peu commune par les USA. En un mot, à plus de générosité sous forme de dons pour la réalisation de grands projets même si c’est assorti de conditions exigeant des maîtres d’œuvres américains, pourquoi pas, à condition que cela profite à la Tunisie.

Les States n’ont pas lésiné sur les moyens pour vendre la carte de l’islam politique modéré dans la région MENA. A commencer par les dons accordés au Centre d’Etudes islamiques sis à Washington DC et dirigé par le grand lobbyiste nahdhaoui Radhouane Masmoudi qui se prétend indépendant, comme le fait une grande partie des frères musulmans d’ailleurs.

Grâce à leur «heureuse entreprise» et pour satisfaire à leurs agendas dans la région, ils nous ont renvoyés 30 ans en arrière tout comme les autres pays du printemps, plus américain qu’arabe.

Aider la Tunisie à se remettre debout n’était que justice. Mais les USA sont aujourd’hui en standby veillant au grain pour voir comment la situation politique et sécuritaire évoluera dans la région. Ils sont habitués aux pratiques des actions rapides consistant à ouvrir des ventres et les laisser toutes tripes dehors. Ils se retirent ensuite avec leurs armées composées en partie de mercenaires payés par les contribuables américains et leurs équipements «médicaux», après achèvement de leurs opérations chirurgicales. Ils l’ont fait en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie. Estimons-nous heureux de ne pas posséder des richesses minières, des savants en technologie nucléaire et encore moins de ne pas être un pays situé géographiquement aux frontières israéliennes…

La Com’, c’est le point fort des USA. On peut faire avaler n’importe quoi à n’importe qui pour n’importe quelle raison à n’importe quel moment. Le célèbre discours du président Obama au Caire en 2008 laissait déjà entrevoir le plan de refonte géopolitique de la région MENA par les Américains. Naïfs et assoiffés de reconnaissance par les puissants du monde, nous n’avions pas soupçonné ce qui se tramait dans les think tank américains et dans les arcanes du State Department pour nos pays.

A force d’allumer des feux partout dans le monde, le pyromane US risque bien de se brûler les ailes, lui qui, depuis belle lurette, a perdu son âme. C’est tout le contraire de leurs alliés asiatiques, lesquels, patients -civilisations millénaires obligent-, font dans de la broderie et le raffinement. Ils s’implantent doucement en Afrique et dans les pays à forte croissance de par le monde, sans faire de vagues mais par des actions efficaces et concrètes dans le caritatif ou les grands projets.

A titre d’exemple, le Japon a accordé à la Tunisie deux prêts d’un montant total d’environ 335 millions d’euros pour “contribuer à la réussite de la démocratisation» du pays. Le premier sera attribué à la construction d’une centrale électrique à cycle combiné à Radès et le second pour financer un projet de prévention des inondations de l’Oued Medjerda. Le taux d’intérêt est de 0,6% par an, avec un délai de remboursement de 40 ans dont 10 ans de grâce.

Soutenir une transition, surtout lorsque nous y avons encouragé la montée de nouvelles idéologies qui ont déstructuré l’Etat, ne peut se faire avec de belles paroles, monsieur Obama et co mais par du concret.

Donc, lorsque Jacob Walles, ambassadeur US en Tunisie, parle de développement des relations économiques entre la Tunisie et les États-Unis et d’un soutien à la transition démocratique, on ne peut vraiment pas croire au sérieux de ses déclarations sauf si la visite d’Etat de Mehdi Jomaâ servait tout juste de prétexte aux Américains pour donner leur bénédiction et profiler comme il se doit le nouveau chef du gouvernement tunisien.

Le souci américain est tout d’abord d’ordre sécuritaire et en premier le terrorisme aux frontières, le grand banditisme et la criminalité transnationale organisée entre le Sahel, le Maghreb et l’Europe. Ceci comprend des trafics de tous genres, allant des armes à la drogue et au blanchiment d’argent.

La Libye, qu’ils ont aidée à armer, est aujourd’hui un arsenal à ciel ouvert où les terroristes circulent librement. Leur souci est en premier de se préserver des épines qu’ils ont semées dans la région. Pour cela, ils devraient investir plus que de belles promesses et des fonds insignifiants.

Les Américains, qui ne parlent plus ouvertement d’islam modéré, ont-ils réellement compris qu’il ne pourrait en aucun cas évoluer comme cela a été le cas pour la démocratie chrétienne? Et tiennent-ils toujours à une reconfiguration identitaire du monde arabo-musulman au service de leurs intérêts?

Sécurité, économie, accord de libre-échange et aide à l’éducation ont été à l’ordre du jour lors de la visite d’Etat du chef du gouvernement tunisien aux Etats-Unis. Mais pour un pays aussi réactif et qui décide rapidement de tout y compris de déclencher des guerres en un court laps de temps, aucune grande décision n’a été prise pour soutenir les efforts de la Tunisie dans sa crise socioéconomique, politique et sécuritaire. Garantir un prêt de 500 millions de dollars ou prendre en charge l’inscription d’un nombre beaucoup plus important d’étudiants dans les universités US, ne peuvent même pas être considérés comme des miettes pour la première puissance mondiale.

C’est ridicule et dévalorisant.