Tunisie : L’envahissement des méduses, “la goutte qui a fait déborder la mer”

Les belles plages de Rafraf et Ras Jebel à Bizerte (nord de la Tunisie) ont été envahies, le 9 mars 2014, par les méduses, animaux marins vivant en eau profonde ou en surface et dont certaines espèces peuvent être très urticantes, pour l’épiderme humain.

Ce phénomène, qui n’est pas étrange pour certains chercheurs et spécialistes du milieu marin, a attiré l’attention de nombreux tunisiens et suscité l’intérêt des établissements de recherche en Tunisie.

Anis Zarrouk, chercheur à l’INAT (Institut national agronomique de Tunis), a déclaré que ce phénomène, qui s’est produit parce que la mer était très agitée, n’est pas nouveau et ne se limite pas à la Tunisie, il concerne toute la mer Méditerranée et d’autres mers dans le monde.

Il a expliqué dans un entretien avec l’agence TAP, que les méduses sont une espèce caractérisée par un cycle de reproduction très rapide, qui s’adapte, aussi, de plus en plus, aux changements climatiques face à un recul d’autres espèces et populations halieutiques.

“Il s’agit en fait, d’un cercle vicieux qui commence avec la disparition des grands prédateurs marins, gros poissons et tortues de mer, qui mangent les méduses, qui, à leurs tour, se nourrissent de petits poissons et de larves”, a- t-il développé.

En Tunisie, la pêche anarchique a accentué ce problème, parce que généralement, les marins-pêcheurs ne laissent pas le temps aux larves et aux petits poissons de grandir, ce qui fait que leur pêche est composée de poissons et de produits de mer, de tous genres et de toutes les tailles.

“Cette pêche perturbe le cycle de reproduction de certaines espèces de poissons, lesquels se font de plus en plus rares et laissent la place aux espèces qui s’adaptent le plus, aux troubles des écosystèmes marins, comme les méduses. Ceci a un impact direct, malheureusement, sur les richesses halieutiques déjà surexploitées”, a précisé, le chercheur.

Un nouveau rapport (2013) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), publié sur le site “notre-planet.info”, confirme que “ce cercle vicieux peut se poursuivre puisque les méduses se nourrissent de larves, de poissons et de juvéniles, ce qui “réduit encore la résilience des populations marines”.

La méduse “pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase”, commente cette étude de la FAO sur la prolifération de cette espèce en mer Méditerranée et en mer Noire, estimant que la forte augmentation de ces populations marines, pourrait être l’une des causes de la contraction des stocks halieutiques en mer Méditerranée et en mer Noire.

La FAO appelle, ainsi, à prendre en compte cette donne dans toute approche écosystémique de la gestion des pêches. L’organisation impute le phénomène, au réchauffement climatique qui favorise les espèces tropicales ainsi qu’au recours massif aux digues pour prévenir l’érosion des côtes et aussi, au grand nombre de ports touristiques, habitats idéaux pour les méduses, au début de leurs vie.

L’organisation onusienne a recommandé, dans son rapport, l’adoption d’un système d’alerte précoce, signalant l’abondance des méduses, associé à des barrières de protection dans les élevages aquacoles, la lutte contre la surpêche et l’intégration de la recherche sur les méduses pour l’alimentation, étant donné que certaines espèces sont consommées dans plusieurs pays ou utilisées dans la médecine.