Le propre des appareils judiciaire et sécuritaire est de ne pas divulguer toutes les informations dont ils disposent car tout n’est pas bon à publier. Et ce même si l’euphorie d’une liberté d’expression tous azimuts, récoltée après le 14 janvier, laisse peu de place au droit de réserve. Un droit sacrosaint dont doivent se prévaloir autant les magistrats et procureurs que les hauts responsables du ministère de l’Intérieur dès qu’il s’agit d’une obligation: celle de préserver la paix et la sécurité nationale.
Contribuables et médias ont le droit de savoir ce qui se passe dans notre pays. Quoi de plus naturel ou de plus évident? Tout est question de timing, et surtout il y a des vérités qui peuvent être dites et d’autres qui doivent être traitées dans le plus grand secret pour assurer la bonne marche des investigations policières ou judiciaires. Ceci ne veut pas dire que le peuple tunisien ne doit pas savoir qui a exécuté et commandité les assassinats politiques ou les actes terroristes. Mais il y a des détails se rapportant aux opérations visant l’arrestation et la neutralisation des individus dangereux, lesquels détails peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la bonne marche des enquêtes.
Un ministre ou un haut responsable est-il supposé, en conférence de presse, parler des structures top secrètes des centres d’écoutes dans la région de l’Ariana? Un procureur doit-il dire que cela faisait trois mois que l’on suivait de près les mouvements des terroristes? Bien sûr que non. Il y a des administrations liées à la sûreté de l’Etat et sises au ministère de l’Intérieur que même les employés de la boîte elle-même ne doivent pas connaître.
Une liberté de presse débridée…
Parler d’une caisse noire destinée à payer des informateurs ne relève pas non plus des détails à rendre publics. Et pour les nouveaux fans d’une liberté de presse débridée, il va falloir calmer leurs ardeurs de par trop «expressives», car dans les plus grandes démocraties au monde, celles qui financent justement les organisations défendant les droits d’expression, dès qu’il s’agit de sécurité de l’Etat, c’est le top secret garanti!
Pour le peuple tunisien, les cadeaux doivent-ils être des têtes de mort offertes comme des trophées en guise de réussite?
La démarche sécuritaire doit, en principe, être beaucoup plus approfondie et illustrée par des actions d’envergure visant le démantèlement à la source aussi bien des réseaux terroristes que de ceux des contrebandiers avec lesquels ils coopèrent en étroite collaboration.
Donner les noms des terroristes morts relève de l’inconscience si ce n’est de l’amateurisme tout court. Les véritables sécuritaires font montre de plus de professionnalisme en procédant à la saisie et à l’inventaire de leurs relations pour pouvoir étendre le champ des investigations et ratisser large dans le camp opposé.
L’opération de Raoued a d’ailleurs suscité plus de doutes que de certitudes quant à la manière de son déroulement et nombreuses sont les personnes qui pensent que des gardes nationaux ont été sacrifiés au mode opérationnel hollywoodien. D’ailleurs, la question qui se pose est pourquoi le garde national qui a pris une échelle pour escalader les murs de la maison a été abattu dès qu’il avait montré sa tête ni comment on a pu mener pareille opération en plein jour. Des informations de l’attaque auraient-elles filtré?
Gare aux cellules dormantes…
En fait, qu’il s’agisse d’extrémisme religieux ou de terrorisme, le contexte culturel tunisien est assez différent de celui dans d’autres pays arabo-musulmans. Dans notre pays, les courants de l’islam politique, privés pendant longtemps d’exercer leurs activités dans la lumière du jour, ont cultivé le réflexe de fonctionner en mode “cellules dormantes“. Celles qui peuvent tout infiltrer même les structures des partis de l’opposition. Ils n’ont jamais quitté le terrain mais ont distillé le poison de leurs idées lentement et sûrement. Les théoriciens du terrorisme en Tunisie sont issus de la petite bourgeoisie et de la classe moyenne. Ce sont des universitaires, des ingénieurs, des médecins, des professeurs, des instituteurs et des hauts cadres administratifs. Les exécutants font partie des classes sociales pauvres et démunies.
Sur un tout autre volet, il ne faut surtout pas négliger le rôle des médias qui a été important dans la prolifération et le développement de l’islam politique. Sous prétexte de neutralité, ils ont offert à des terroristes potentiels et même des prêcheurs haineux et vindicatifs leurs plateaux télévisuels, radiophoniques et des espaces dans la presse écrite et électronique.
A quoi sert la HAICA?
La HAICA pèche aujourd’hui par son manque de réactivité face à l’invasion des espaces audiovisuels par des idées d’un autre âge qui appellent à la division et refusent de reconnaître le mode de vie tunisien. Elle ne se sent même pas concernée par la traçabilité des capitaux servant à financer les télévisions et les radios et qui déterminent indiscutablement les lignes éditoriales et les contenus.
Le syndicat des journalistes sommeille pour sa part pendant des mois en défendant la soi-disant neutralité de la presse aux dépens de la sécurité nationale pour élever la voix à la tête du client.
Quant aux droits-hommistes financés en grande partie par les internationaux, sont-ils aujourd’hui prêts à défendre la Tunisie aussi bien que les terroristes qu’ils ont encouragés à amnistier et les ont blanchis tous, en faisant des victimes?
Le pire est que le mouvement des prêcheurs venus des pays «frères et amis» n’a même pas été stoppé par les autorités censées protéger le pays et surtout les jeunes des discours véhiculés par ces derniers.
Ces toutes dernières semaines, on aurait même vu les Habib Ellouze et Noureddine El Khademi accueillir à l’aéroport un prêcheur soudanais sans réaction aucune de la part du ministère de l’Intérieur. Est-ce à dire que les prédicateurs ne sont pas aussi dangereux qu’on le pense?