Tunisie – Corruption : A Sfax, la Camorra porte un nom

Le feuilleton continu et la famille M.M retrouve ses anciennes habitudes…

Chassez le naturel, il revient au galop. La famille M.M occupe de nouveau la une des faits divers sfaxiens.

Cette fois-ci, il ne s’agit plus de zones bleues acquises illégalement mais de licences de distribution d’alcool acquise à l’encontre des lois en vigueur. L’information se répand comme une trainée de poudre. Abdelwaheb Maatar, ministre du Commerce dans le gouvernement Laarayedh, membre du CPR dont le seul programme électoral se résumait en la lutte contre la corruption octroie une licence d’alcool la famille M.M lui permettant de vendre les boissons alcoolisées en gros, soit d’être des distributeurs des boissons alcoolisés.

Cette nouvelle licence d’alcool vient s’ajouter aux deux autres déjà octroyées à cette famille par l’ex-gouverneur de Sfax leur permettant d’exploiter un restaurant-bar ainsi qu’un point de vente des boissons alcoolisées en détail. A rappeler cependant au passage que le très controversé ministre du Commerce a fait toute sa carrière, en tant qu’avocat, à Sfax… Drôle de coïncidence!

Ce que la famille M.M veut, Dieu veut! D’où détient-elle ce pouvoir, celui de régenter la deuxième ville économique du pays grâce aux relations privilégiées qu’elle mène avec les hauts représentants des autorités publiques? De quelles armes secrètes dispose-t-elle pour pouvoir avoir autant d’ascendant aussi bien sur les ministres, les gouverneurs que les secrétaires d’Etat pour avoir tout ce qu’elle veut sans être nullement inquiétée par la lenteur des procédures administratives ou en contournant les lois en vigueur?

Nombreux témoins à Sfax prétendent que les fils M.M seraient parvenus à entasser des sommes importantes d’argent provenant de la vente sauvage des boissons alcoolisées. Ce qui se traduit par des relations douteuses avec des vendeurs au noir, inondant le marché informel où tout se traite en espèces sonnantes et trébuchantes et s’adonnant sans vergogne à la fraude fiscale et s’auto-exonérant de payer les taxes et impôts à l’administration.

En représailles aux agissements de la famille M.M, une frange de la population sfaxienne a attaqué, saccagé puis incendié le local qu’ils exploitaient pour la vente des boissons alcoolisées en détail.

Ce qui devait sonner la fin de leurs agissements mafieux a enclenché un renouveau bienfaisant pour la famille M.M. Ainsi, ils ont profité de ce sinistre pour ne plus s’acquitter des impôts dus, sous prétexte qu’ils n’ont plus de local où exercer leurs activités. Dans le même temps, les quantités d’alcool écoulées sur le marché ont augmenté, inondant le marché noir et les circuits de contrebande.

Pour les sceptiques, les incrédules et ceux qui refusent de voir la vérité ou de croire en la véracité de cette information, il suffit de se rendre auprès des quelques fournisseurs de vins et de bières à Tunis. Ceux là mêmes qui tiennent les chiffres exacts des quantités colossales acquises sur le compte de cette licence d’alcool en détail et les comparer avec les déclarations inexistantes des deux dernières années (2012 et 2013).

L’appétit venant en mangeant, la famille M.M a fait fonctionner la machine bien huilée des circuits malsains et détournés bien connus par elle qui s’est rapidement remise en branle. Le gouvernement Ben Ali est tombé, le système est resté. En fait, le mal n’est pas autant lié aux personnes qu’à des rouages de corruption bien installés… Début septembre 2013, une nouvelle licence d’alcool est accordée à cette même famille lui permettant de vendre les boissons alcoolisées en gros. Cette licence d’alcool porte la signature manuscrite du très controversé ministre du Commerce et est octroyée à une société à responsabilité limitée qui n’était pas encore constituée.

Pire encore, elle n’a pas été soumise à l’avis du ministère de l’Intérieur comme l’exige la loi. Tout le dossier de demande d’agrément est vide et ne comprend aucun des documents exigés par la loi. Citons, entre autres, l’agrément du local et le casier judiciaire du gérant postiche choisi pour servir de paravent aux membres de cette famille.

Après l’obtention de cette nouvelle licence d’alcool, cette famille a démontré de nouveau sa capacité à amadouer et soudoyer les plus hauts fonctionnaires de l’État, sans parler des cadres administratifs et sécuritaires locaux de moindre grade qui sont à leur service jour et nuit pour les aider à satisfaire tous leurs désirs en usant de toutes les méthodes mafieuses faites de délations, harcèlements, menaces, intimidations et pressions.

A Sfax, on retient son souffle et on craint le pire. Le cauchemar est de retour et on se demande qui arrêtera l’arrogance et la capacité de nuisance de la famille M.M.
Il y en a qui ont été jugés à tort et à raison pour les affaires de corruption datant de l’avant 14 janvier, même si ce qui se passerait aujourd’hui sur le terrain des malversations et des passe droits ne serait en aucun cas comparable à ce ce qui a eu lieu auparavant. En effet, les autorités aux rennes du pouvoir devraient être beaucoup plus vigilantes à ce qui se déroule dans le pays depuis janvier 2011. Car c’est pire et l’exemple de la famille citée plus haut et dont nous avons refusé de citer le nom en entier par soucis d’éthique et de préservation de la réputation des enfants et parents qui n’ont rien à voir avec les mauvaises pratiques de leurs proches est plus qu’édifiant. Avant, nous savions qui faisait quoi. Aujourd’hui, nous ne savons plus combien sont impliqués dans les affaires de corruption et à quel niveau et nous ne savons même pas ce que cela coûte au pays. Aujourd’hui, les deuxième et troisième ligne des corrompus, ceux qui prenaient de tous petits pourcentages sur les affaires des maîtres sont beaucoup plus nombreux et beaucoup plus nocifs. Il y en a parmi eux qui se sont investis publiquement dans la lutte anti-corruption… Avis au nouveau chef du gouvernement, Mehdi Jomaâ, au ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, au secrétaire de l’État chargé des Collectivités publiques, Abderrazzek Khlifi, et au ministre de la Justice, Hafedh Ben Salah. Nous ne pouvons revivre les mêmes pratiques en pire, le pays ne le supportera pas.