Dans une interview accordée au quotidien français Le Point, Béji Caïd Essebsi a évoqué deux faits marquants qu’a connus, dernièrement, la Tunisie, en l’occurrence le parachèvement de la Constitution et la formation du nouveau gouvernement.
Le président du parti Nidaa Tounes s’est dit confiant du gouvernement de Mehdi Jomaa. «La Tunisie va pouvoir repartir vers l’avant. La confiance va revenir, tout comme les investissements», a-t-il dit.
A la question «comment Ennahdha a-t-il pu accepter de lâcher les rênes du pouvoir?», l’ancien Premier ministre a déclaré avoir convaincu le leader du mouvement Ennahdha à participer au Dialogue national, et de préciser: «J’ai dit à Rached Ghannouchi que s’il ne coopérait pas, son parti serait dégagé par la force».
Pour lui, le mouvement Ennahdha a quitté le pouvoir de manière pacifique contrairement aux Frères musulmans (d’Egypte) qui, «lorsqu’ils ont accédé au pouvoir, il ne l’ont quitté que par la violence».
Par ailleurs, Béji Caïd Essebsi reproche au mouvement Ennahdha non pas d’être islamiste mais d’avoir mal gouverné le pays et d’avoir mené la Tunisie vers la faillite.
Ceci étant, le président de Nidaa Tounes pense que les Nahdhaoui sont bien différents des Frères musulmans d’Égypte. «Ils sont beaucoup plus civilisés. La Tunisie a toujours été un pays modéré. L’islam tunisien, sunnite et malikite, est une religion d’ouverture par rapport au wahhabisme», a-t-il expliqué.
Concernant les prochaines élections, Caid Essebsi souhaite qu’elles aient lieu en octobre 2014. Une présidentielle avant les législatives, préfère-t-il. Il veut éviter le scénario de 2011 qui fut marqué par la victoire d’Ennahdha aux soufrages universels.
Selon lui, le parti islamiste a obtenu un score de 18% dû au fort taux d’abstention, au faible nombre d’inscriptions, tout en profitant de la faiblesse et de la désunion de la gauche.
«La Tunisie est un pays de centre gauche puisqu’il existe en effet peu de différences entre les courants. J’espère simplement que nous n’avancerons pas en rangs dispersés, comme cela a été le cas en 2011», a-t-il lancé.
A la question «qu’en est-il du sort de Moncef Marzouki?», Béji Caid Essebsi a répondu que ce dernier a déjà commencé à faire campagne mais son expérience au Palais de Carthage ne joue pas en sa faveur.
Côté sécuritaire, le président du parti Nidaa Tounes reproche au gouvernement et aux pouvoirs publics leur laxisme face aux violences salafistes marquées notamment par les assassinats politiques et l’attaque de l’ambassade US à Tunis –survenue en septembre 2012.
«Rendez-vous compte, cela fait seulement cinq mois qu’a été adoptée une loi considérant les salafistes [d’Ansar Al-Charia, NDLR] comme des terroristes», a-t-il souligné.
Béji Caid Essebsi tient à remercier la société civile et surtout les femmes de leur combat contre la volonté du mouvement Ennahdha et des partis radicaux à inscrire la chariaâ dans la nouvelle Constitution tout en espérant que le nouveau Premier ministre, Mehdi Jomaa, continuera dans cette voie.
Au sujet de son programme économique, le futur probable candidat à la présidentielle a soulevé plusieurs questions: la disparation de la classe moyenne, la baisse du pouvoir d’achat et le chômage dans les régions défavorisées.
«C’est la misère qui a fait éclater la révolution. Elle a été menée par des jeunes qui n’avaient pas de revendication idéologique, religieuse ou politique, mais réclamaient la liberté, la dignité et la justice sociale», a-t-il rappelé
La relance économique ne peut se faire que si le gouvernement redonne confiance au peuple et à l’étranger, donne preuve de stabilité dans sa lutte contre le terrorisme afin d’attirer les investisseurs étrangers.
A la fin de l’interview, Béji Caid Essebsi ne manque pas de vanter les mérites de Bourguiba, en déclarant que «c’est un pays civilisé, grâce à Bourguiba, qui a donné accès à l’éducation au plus grand nombre de Tunisiens. La femme y est libre depuis cinquante ans, et le pays a vu émerger une classe moyenne assez large. Le peuple tunisien est différent des autres, pas facile à convertir».