« Nous sommes en présence non pas d’un mais de deux gouvernements car la composition du nouveau gouvernement comprend, aux côtés des ministres technocrates, d’autres membres connus pour leur marquage partisan et leurs allégeances politiques, n’ayant été nommés que pour couvrir certains dossiers », a déclaré le porte-parole du Front populaire Hamma Hammami qui s’exprimait jeudi lors d’une conférence de presse à Tunis.
La Tunisie « ne peut pas supporter un nouvel échec en cette étape de transition », a estimé Hamma Hammami, soulignant qu’il est de la responsabilité du Front populaire de dire que « ce gouvernement à double visage pourrait porter les germes de son propre échec », ne serait-ce que parce qu’y siège le ministre de l’Intérieur Lotfi Ben Jeddou, dont il a invoqué « la responsabilité dans les assassinats politiques et la mort d’éléments des forces de sécurité et de l’armée nationale tombés en martyrs dans des opérations terroristes ».
H. Hammami a également réaffirmé que le Front populaire rejette la nomination du ministre de la Justice Hafedh Ben Salah pour son implication dans la «justification de violations aux droits de l’Homme», de même que son opposition à la nomination du ministre des Affaires religieuses Mounir Tlili dont il a dit qu’il est « connu pour être un ultra, pour son allégeance partisane et pour ses attaques en règle contre le Code du statut personnel ».
Le Front populaire traitera avec le gouvernement Mehdi Jomaa en fonction des dispositions édictées par la feuille de route, notamment pour ce qui est de la révision des nominations, de la dissolution des « ligues de protection de la révolution et de la neutralité des mosquées afin que ces dernières ne puissent plus être instrumentalisées à des fins partisanes, pour jeter l’anathème sur les adversaires politiques et inciter à la violence », a encore déclaré le porte-parole du FP, qui a de nouveau réclamé « toute la vérité sur les assassinats politiques ».
Hamma Hammami a indiqué que l’une des tâches de ce gouvernement est d’organiser des élections « dans un délai raisonnable et dans un climat favorable », conformément à la feuille de route, saluant à ce propos « le rôle important du Quartette parrain du Dialogue national et les luttes des forces démocratiques et populaires qui conduit au succès de cette étape couronnée par la promulgation de la Constitution ».
Par-delà quelques lacunes, cette Constitution est « un acquis majeur et l’acte fondateur d’un Etat civil et démocratique », a ajouté Hamma Hammami, affirmant que « le combat du Front Populaire pour la Constitution continue » avec de nouvelles priorités, notamment l’application de la nouvelle Loi fondamentale, l’activation de ses mécanismes et la mise en place des institutions qu’elle prévoit « pour faire échec aux tentatives des forces autocratiques de la dévoyer ».
Hamma Hammami s’est par ailleurs élevé, au cours de cette même conférence de presse, contre ce qu’il a appelé « la vague de répression » ciblant selon lui les militants du Front populaire dans un certain nombre de régions du pays.
Il a cité notamment les cas des gouvernorats de Sidi Bouzid et Siliana, demandant au nouveau chef du gouvernement de stopper « cette campagne déclenchée sous le gouvernement Larayedh ». Pour le secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié et autre figure du FP, Zied Lakhdhar, présent lui aussi à la conférence de presse, « le Front populaire est en droit d’émettre un certain nombre de réserves sur le gouvernement Mehdi Jomaa », rappelant « le faible consensus qui s’était fait autour de sa personne au Dialogue national ». Il a regretté que Jomaa n’ait « rien fait pour se rattraper et élargir ce consensus à travers la composition de son gouvernement », lui reprochant d’avoir « préféré affaiblir encore plus ce consensus en portant son choix sur des éléments qui ne rassurent ni l’opposition ni les Tunisiens ».