Jour pour jour, il y a quarante ans, le 12 janvier 1974, fut cosignée par Bourguiba et Khadafi le t
Traité d’union entre la Tunisie et la Libye: un pan de notre histoire, peut-être méconnue par les plus jeunes d’entre nous…
En ce samedi, la radio nationale diffusait l’annonce d’un événement capital pour notre pays: La naissance de la «République arabe islamique»: La Tunisie était sur le point de ne plus être!
UN PEU D’HISTOIRE:
Depuis longtemps déjà, le colonel Khadafi, alors âgé de 31 ans, rêvait de devenir le leader héritier du mouvement panarabique; ses multiples tentatives avec l’Égypte n’avaient abouti qu’à une union «sur papier», établie en 1973 et vite rendue obsolète par Anouar Sadate en septembre de la même année. Parallèlement, Kadhafi procédait aux mêmes pressions sur la Tunisie.
Le 8 janvier 1974, Bourguiba reçut par le biais de Mohamed Masmoudi, alors ministre des affaires à l’époque, un message du colonel libyen: Khadhafi sollicitait une rencontre dans le Sud tunisien. Le moment n’était pas fortuit: Khadafi avait fait part de son projet à Masmoudi quelques jours auparavant en lui recommandant de laisser Hedi Nouira, premier ministre, en dehors de cela. Et justement Nouira était en mission en Iran.
Bourguiba accepta de rencontrer Khadafi le 12 du mois à Djerba.
Un tête-à-tête d’une heure entre les deux leaders a suffi pour signer, sur un papier en-tête de l’hôtel Ulysse où se déroulait la rencontre, une déclaration commune statuant de la fusion entre les deux pays; Un document comprenant deux additifs qui précisaient la composition du gouvernement et les organes du nouvel État : Bourguiba en serait le chef suprême, Kadhafi et Nouira les vices présidents, Abdessalem Jelloud premier ministre, Khouildi Lahmidi à l’Intérieur, Tahar Belkhodja à la Défense et…… Zine el Abdine Ben Ali (déjà!) à la Sûreté!
Une composition probablement déjà prête avant l’entrevue et un projet de drapeau est déjà là.
La «République arabe islamique»…, une appellation sibylline qui laisse supposer que la porte reste grande ouverte aux pays du Maghreb; En effet, et dès son retour à Tunis, le jour même, Bourguiba annonce depuis l’aéroport aux journalistes que la journée est historique et qu’il serait heureux de voir l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie se joindre à cette union.
L’euphorie de Bourguiba fut néanmoins de courte durée: le soir même, à son arrivée à Tunis, Très vite, Hédi Nouira signifia sa désapprobation et menaça de démissionner. Il fit en sorte de rallier le gouvernement en place à sa position. Wassila Bourguiba manifestait également son mécontentement.
Le lendemain, Bourguiba téléphone à Boumedienne, président de l’Algérie, qui lui signifiera sèchement son refus de joindre l’union et «menaçant» que «l’événement aura des conséquences imprévisibles sur toute la région».
Masmoudi, pourtant homme de premier plan des négociations, démissionnera de son poste de ministre des affaires étrangères.
S’ajoutait à cela, le scepticisme et la position largement négative de la presse internationale et surtout la nécessité d’amender la constitution tunisienne qui ne prévoyait une telle situation. Rabat, Paris et Washington exprimèrent eux aussi leurs réserves.
Bourguiba est ballotté entre la position unanime de son entourage et des puissances étrangères d’une part et son engagement porté par son ambition de gouverner un pays vaste, puissant et riche d’autre part.
Le 19 janvier, Bourguiba s’envolera pour Genève. Le 21, Nouira déclarera au journal «Le Monde» que l’accord tuniso-libyen est au plus «la proclamation d’un idéal». Ce dernier rejoindra vite le président à Genève où Mme Bourguiba vient d’arriver.
Khadafi a compris. Il rejoindra Genève le 25 janvier pour rappeler à Bourguiba son engagement.
À Tunis, les opposants à «l’union» se manifestent, s’organisent et pèsent de tout leur poids.
Le contexte a fait que Ben Ali soit démis de ses fonctions de Directeur de Renseignement Militaire et désigné comme attaché militaire à l’ambassade de Tunisie à Rabat.
La «République arabe islamique» ne verra jamais le jour.
S’ensuivront alors et pendant plusieurs années, des tensions, des conflits et des hostilités entre les deux pays dont l’attentat déjoué contre Hédi Nouira en 1976, l’attaque de Gafsa en 1980 et l’expulsion de près de 50 000 travailleurs tunisiens de Libye entre 1975 et 1985.
Le paradoxe est pourtant dans le fait que Bourguiba ne croyait nullement à la notion de «Nation Arabe» et ses convictions laïques ne le prédisposaient absolument pas à envisager un «État islamique».
Un traité entre deux hommes que tout oppose était-il seulement possible ?
Rappelons, à l’occasion, le «rappel à l’ordre» de Bourguiba à Kadhafi lors de son intervention spectaculaire du 15 septembre 1972, le fameux discours du Palmarium, pour ses provocations contre les Etats-Unis.
En voici un court extrait pour mieux comprendre. (source)