Le secrétaire général de la Fifa, Jérôme Valcke, a pris de court son organisation mercredi en annonçant que la Coupe du monde 2022 au Qatar aurait lieu l’hiver et non l’été, initiative aux conséquences potentiellement explosives.
Cette modification entraînerait un bouleversement du calendrier du football international sur plusieurs années et exposerait la Fifa a des recours de pays battus par le Qatar lors du scrutin mais surtout de gros partenaires commerciaux.
La Fifa et l’un de ses vice-présidents, Jim Boyce, ont par la suite tempéré les propos de Jérôme Valcke, assurant que la décision n’avait pas été prise alors que le secrétaire général, au micro de France Inter, semblait catégorique.
“Les dates de la Coupe du monde ne seront pas juin- juillet”, a dit Jérôme Valcke. “Je pense que ça se jouera entre le 15 novembre et le 15 janvier au plus tard.” “Si vous jouez entre le 15 novembre et, on va dire, la fin du mois de décembre, c’est le moment où la météo est la plus favorable (au Qatar). Vous jouez avec une température qui est l’équivalent d’un printemps un peu chaud en Europe, avec une température moyenne qui est de 25?C, donc c’est parfait pour jouer au football.
” Le syndicat international des joueurs (FIFpro), notamment, s’est inquiété ces derniers mois de la perspective d’un Mondial disputé en juin et juillet, ses dates traditionnelles, en raison des fortes chaleurs au Qatar à cette période de l’année. La température moyenne y oscille généralement entre 35?C et 45?C. “Pour nous, c’est une excellente nouvelle”, a dit à Reuters le président de la FIFpro, Philippe Piat. “On a milité pour ça depuis déjà des mois, que la période soit modifiée si la Coupe du monde devait être maintenue au Qatar. Je rappelle que le manuel de santé de la Fifa dit qu’au delà de 32,2?C, il y a un risque extrême.
” La précocité de cette annonce a toutefois surpris car la Fifa avait décidé en octobre de lancer une consultation, à la demande des clubs et des ligues nationales. La décision était attendue après la Coupe du monde au Brésil, l’été prochain.
Frédéric Thiriez, président de l’association européenne des ligues professionnelles, assure dans un communiqué qu’il avait rencontré mercredi matin le président de la Fifa, Sepp Blatter, et Jérôme Valcke, et qu’aucune décision n’avait été prise. “Rien de nouveau sous le soleil”, écrit-il. Le vice-président Jim Boyce s’est, lui, dit abasourdi, soulignant que seul le comité exécutif pouvait se prononcer.
“Autant que je sache, le comité exécutif de la Fifa attendait un rapport de toutes les parties prenantes de la Coupe du monde – les chaînes de télévision, les ligues, les sponsors, d’ici la Coupe du monde au Brésil”, a-t-il dit à Sky Sports. “Que Jérôme ait exprimé ou pas une opinion personnelle, je ne sais pas, mais je peux confirmer que cela n’a pas été discuté au comité exécutif de la Fifa.
Je suis très surpris.” La Fifa elle-même a diffusé un communiqué en rappelant que la date de la compétition n’avait pas été arrêtée, que la consultation était en cours et durerait le temps nécessaire. “Puisque le tournoi n’aura pas lieu avant huit ans, le processus de consultation ne sera pas précipité”, dit le texte. “Aussi, aucune décision ne sera prise avant la Coupe du monde au Brésil comme convenu par le comité exécutif de la Fifa.” L’organisation du tournoi en hiver, si elle satisfait la FIFpro, soucieuse de la santé des joueurs, pourrait entraîner une modification en profondeur du calendrier international et exposer la Fifa à bien d’autres problèmes.
Les principaux championnats nationaux, tant en Europe qu’en Amérique latine et du Nord, en Afrique ou en Asie, et les compétitions de club transnationales, dont la lucrative Ligue des champions, se disputent d’août à mai. Les scénarios étudiés l’automne dernier évaluaient à trois saisons la période d’ajustement nécessaire.
La Fifa s’expose en outre à de possibles recours, à la fois des pays auxquels le Qatar a été préféré lors de la procédure d’attribution en 2010 et des diffuseurs de la compétition qui en ont déjà acquis les droits pour 2022. Les premiers pourraient dénoncer un non respect de l’appel à candidatures qui prévoyait une Coupe du monde estivale.
Le Qatar a obtenu l’organisation du tournoi aux dépens des Etats-Unis, du Japon, de la Corée du Sud et de l’Australie. Cette dernière a déjà fait savoir qu’elle envisagerait de demander réparation en cas de déplacement du tournoi en hiver. Les diffuseurs pourraient, eux, dénoncer leurs accords car le Mondial entrerait en conflit avec le calendrier d’autres sports majeurs, notamment aux Etats-Unis.
En 2011, Fox Sports, diffuseur de la NFL ou de la MLB, les très populaires championnats nord-américains de hockey sur glace et de baseball, a acquis les droits pour 2018 et 2022 pour 425 millions de dollars (313 millions d’euros). Une tenue du tournoi en novembre et décembre éviterait au moins qu’il coïncide avec les Jeux olympiques d’hiver 2022, une hypothèse qui inquiétait le Comité international olympique.