La création d’un fonds de la dignité (karama), au profit des victimes de la dictature, adoptée dans la nuit de dimanche à lundi par l’ANC, dans le cadre de la loi de finances 2014, a suscité la polémique dans les milieux politiques et économiques.
Si certains se sont déclarés favorables à sa création, d’autres l’ont considéré comme illégal, alors que certains, y ont perçu un message politique.
L’économiste, Karim Trabelsi a indiqué à l’Agence TAP, que le problème lié à la création de ce fonds réside
« dans sa méthodologie mais cette création n’est pas contradictoire avec les articles 19 et 30 de la loi organique du budget de l’Etat. Les députés n’ont pas demandé l’allocation de ressources financières à ce fonds et donc il n’est pas en contradiction avec les articles précités”.
Il a affirmé, toutefois, que les déclarations sur les ressources du fonds sont contradictoires. En effet, certains parlent de financement public, alors que d’autres évoquent des dons.
L’expert a fait savoir qu’il aurait été préférable de proposer tout le projet en détails avec son statut (mécanismes de financement et bénéficiaires ), précisant que la loi relative à la justice transitionnelle adoptée le 15 décembre 2013, stipule que la création du fonds s’inscrit dans la phase finale du processus de la justice transitionnelle.
M. Trabelsi a estimé que la proposition de la création de ce fonds, manque de planification et de concertation avec toutes les parties concernées. En plus, la création de ce fonds ne va pas de pair avec la rationalisation des dépenses, principe sur lequel se base le budget de l’Etat pour 2014.
L’expert a fait valoir que l’adoption de ce fonds comme cela a été le cas pour de la loi portant sur les «Awkaf» (biens de mainmorte) revêt «une dimension politique électorale », en ce sens qu’il représente « un message adressé par le mouvement Ennahdha à ses structures de base », signifiant en substance “nous soutenons nos militants et les principes islamiques”, surtout après les concessions présentées par le mouvement qui va quitter le pouvoir conformément aux résultats du dialogue national.
Moez Belhaj Rhouma, vice président de la commission des finances, de la planification et du développement a considéré “légal”, l’article portant la création du fonds de la dignité au profit des victimes de la dictature.
En effet, ce fonds doit être créé, d’après lui, dans le cadre de la loi des finances pour être conforme à la loi, indiquant que l’article qui stipule la création de ce fonds, n’a pas abordé la question de son financement lequel sera déterminé ultérieurement par le chef du gouvernement en concertation avec le ministre des finances ».
L’intervenant a rappelé, dans ce cadre, la création de l’instance de la vérité et de la dignité, sans en avoir fixé préalablement, les ressources de financement.
Le député a ajouté que l’adoption de cet article, dans le cadre de la Loi de finances 2014, « ne signifie guère que l’Etat est engagé à financer le Fonds dans l’immédiat», mais peut fixer «les moyens et les sources de financement dans les années à venir ».
D’après M. Belhaj Rhouma, ce fonds, qui devra bénéficier aux victimes de la dictature depuis l’indépendance jusqu’à la révolution de 17 décembre 2010 -14 janvier 2011, « ne concerne pas une seule catégorie sociale ou un mouvement politique bien défini, mais plusieurs mouvements et personnes».
Par ailleurs, il a estimé que l’adoption de cet article «n’est pas en contradiction avec les deux articles 19 et 30 de la loi organique du budget », qui définissent les conditions de présentation d’un article supplémentaire, d’amendement d’un projet de loi de finances ou de création de fonds de trésor, de comptes spéciaux du trésor ou de comptes de dépôts participatifs.
Le ministre de Finances, Elyes Fakhfakh avait indiqué, lors de l’adoption du projet de la Loi de Finances 2014, que l’article stipulant la création du fonds de la dignité
« présente une défaillance au niveau de la forme, dans la mesure où il existe une Loi relative à la création de fonds spéciaux ».
La proposition de création de ce fonds, qui a été adoptée par 87 députés contre 19 abstentions et 13 voix contre, avec une faible présence de l’opposition, a fait l’objet d’importantes critiques de la part des députés, notamment parmi les représentants du Pôle démocratique et du parti Ettakatol.
Le parti des Travailleurs avait dénoncé, dans un communiqué publié lundi,
cette mesure dictatoriale, estimant que la création de ce fonds, « imposée par le mouvement Ennahdha », constitue « un moyen pour exploiter les ressources de l’Etat au profit de ses adhérents (d’Ennahdha), ce qui est une mesure illégale ».
Les deux partis “la Voix des agriculteurs” et “Al Massar démocratique” avaient critiqué tous les deux, lundi, l’adoption de l’article stipulant la création de ce fonds, par l’ANC, accusant un nombre de députés de considérer le budget de l’Etat comme étant « un butin ».