Son nom n’a pas fait l’unanimité. Il part, donc, avec un handicap. Il sera l’otage de la majorité parlementaire. Lui laissera-t-on les mains libres et les coudées franches pour gouverner en toute autonomie?
Wait and see !
Ils se sont vus, longtemps et à plusieurs reprises, sans toutefois se rencontrer. Seraient-ils à ce point inconciliables qu’ils n’arrivent pas à s’entendre sur le nom du “cavalier”? Le mot est de Rached Ghannouchi, qui conduira la dernière séquence, certainement la plus délicate, de la transition? En fin de marathon du dialogue national, le clivage politique au démarrage se retrouvait vivace, en l’état, à l’arrivée des courses.
Le nom de Mehdi Jomaa n’a pas fait consensus. Il est issu d’un vote majoritaire. Cela semble aller à contresens de la volonté de l’opinion publique qui a longtemps misé sur une union sacrée, hélas introuvable. Malgré des airs de nice gathering, le dialogue n’aura été qu’un dur pugilat qui n’a fait que consacrer, une fois encore, l’impuissance des forces politiques en présence à raccommoder l’unité nationale lézardée par cette odieuse ligne de démarcation entre laïcs et islamistes, Troïka et opposition, etc.
En se retirant, ou en s’abstenant de prendre part au vote, l’opposition a disqualifié le caractère de neutralité de la future “administration“ tunisienne.
Quels sont les enjeux futurs?
La nomination de Mehdi Jomaa, un demi “scoop’’
La nomination de Mehdi Jomaa était comme programmée. Ce n’est pas à proprement parler une surprise, pour ceux qui suivent les actualités du pays. Samedi 7 décembre, soit une semaine avant sa nomination, Mehdi Jomaa était l’invité d’honneur du déjeuner-débat de clôture des Journées de l’entreprise, rendez-vous annuel de l’IACE. Arrivé plus tôt que prévu, il a assisté à l’intervention de Houcine Abbassi qui parlait de sa vision du round final et de la date butoir du samedi 14. Chaleureuse accolade entre les deux hommes, épisode qui n’a échappé à personne et qui a été largement commenté de tous. Plus tard, à table, Walid Haj Amor, V/P de l’IACE modérant les échanges en présence notamment de Hichem Elloumi, avait promis à l’assistance un scoop de la part de Mehdi Jomaa.
Le scoop est venu, non point sous la forme d’une révélation de nom mais par un discours, quoique séquentiel, de politique générale, du genre que font les Premiers ministres à l’occasion de leur investiture.
Une épreuve test, un fait du hasard? Les deux à la fois, mon général, a-t-on coutume de répondre en pareille circonstance. Par-delà cet épisode mi anecdotique, mi prémonitoire, que sera la mission du nouveau chef du gouvernement?
Remember ! on quitte le gouvernement mais on ne quitte pas le pouvoir, Ennahdha dixit !
Les représentants du quartet ont appelé Mehdi Jomaa à se conformer à la feuille de route. Cela veut dire qu’il doit constituer un gouvernement de technocrates et, ensuite, mettre le cap en direction des élections. Dans l’intervalle, il lui faudra gouverner.
La question est de savoir si on lui en a laissé les moyens. Des ministres technocrates ne sont en aucune façon une garantie d’autonomie. Que peut faire un cocher seul, quand l’attelage est téléguidé d’ailleurs? Les nominations partisanes à tous les centres de pouvoir ont bien pour effet de garder le gouvernail de l’appareil d’Etat sous contrôle. Ajouter à cela que la majorité politique qui a fait le choix de Mehdi Jomaa correspond, à peu près, à la majorité parlementaire.
De ce côté donc, les jeux semblent déjà faits. Avant même son entrée en fonction, le nouveau chef de gouvernement va voir se constituer Kasbah 4. Le contexte politique et social ambiant sera quelque peu effervescent. Et puis le terrain économique semble comme miné, car en toute bonne foi, Mehdi Jomaa n’aura que le choix de l’austérité. La crise semble persister, ce qui ne favorisera pas la reprise économique, laissant les tensions sociales en l’état et précipitant les réformes impopulaires.
Nous souhaitons bonne chance au nouveau chef du gouvernement, mais on a comme le sentiment qu’il lui reviendra la tâche ingrate d’endosser tout le passif du gouvernement Laarayedh.
En dehors de cela on ne voit pas comment il pourrait rétablir la sérénité nécessaire au bon déroulement des élections et tout leur lot d’annulations de nominations partisanes, de dissolution des associations à milices violentes et toutes les décisions politiques y afférentes.
Il est vrai que Mehdi Jomaa dispose d’un background managérial prestigieux. Aura-t-il l’occasion de déployer son talent et son génie, au service d’un nouveau modèle économique salutaire pour le pays? Ce sera son choix le plus difficile.
Ali Abdessalam