Voilà trois ans déjà que la Tunisie vit sa révolution, celle « de la liberté et de la dignité (17 décembre 2010-14 janvier 2011)», comme l’a proclamée l’Assemblée nationale constituante, lors de la séance plénière du 19 décembre 2012. Ce message fort se voulait un hommage à toutes les régions qui avaient perdu des dizaines de martyrs en disant non à la dictature.
Dès lors, la polémique sur la date exacte de la révolution prenait fin.
La première étincelle de la Révolution se produisit le 17 décembre 2010. Un marchand ambulant, Mohamed Bouazizi, s’était immolé par le feu pour protester contre la confiscation de sa marchandise par une fonctionnaire de la police municipale. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres à un moment où l’atmosphère générale dans le pays était devenue électrique. La tension était partout très grande, en effet, et le mécontentement généralisé : Crise économique, montée du chômage, sentiment croissant d’injustice, corruption de plus en plus visible, inégalités entre les régions
L’onde de choc dont Sidi Bouzid fut l’épicentre allait balayer tout le pays, jusqu’à provoquer la chute de la dictature, le 14 janvier 2011. Pour la première fois dans le monde arabe, un régime abdique et s’effondre sous la pression de la rue. Mais la même onde de choc ne s’arrêta pas aux frontières de la Tunisie. Elle ne tarda pas à déferler sur d’autres pays de la région : Egypte, Libye, Yémen et, plus tard, la Syrie Le « Printemps arabe » était en marche.
//A chaque région ses martyrs//
Moins d’un mois avait suffi aux Tunisiens pour se débarrasser d’un régime que tout le monde croyait indéboulonnable. Tout commença par des manifestations de rue, massives mais pacifiques hormis l’assaut donné par la foule de mécontents au siège du gouvernorat de Sidi Bouzid, immédiatement après le geste désespéré de Bouazizi.
Laquelle image fut relayée par les plus grandes chaînes de télévision du monde. Le mécontentement enfla, rapidement, pour laisser la place à la contestation, puis à la radicalisation du mouvement. Tout le centre-ouest se trouva dans la tourmente. Et bientôt le sang coula. Les premières victimes (Chawki Nasri Hidri et Mohamed Lamari) tombèrent le 24 décembre à Menzel Bouzayane, à quelques kilomètres à peine de Sidi Bouzid. Dès lors, les soulèvements populaires allaient gagner rapidement d’autres villes, alimentés par la révolte des laissés pour compte.
Les 8 et 9 janvier 2011, ce fut au tour de Thala, Kasserine (Cités Ennour et Ezzouhour) et Regueb (gouvernorat de Sidi Bouzid) de payer un lourd tribut en dizaines de martyrs sur l’autel de la Révolution pour l’emploi, la liberté et la dignité.
A compter du 10 janvier, les émeutes sanglantes gagnèrent toutes les régions, du Nord au Sud. Même les compétitions de football donnaient lieu à des scènes de guérilla urbaine.
Les grèves générales régionales décidées par l’UGTT pour les 12, 13 et 14 janvier finirent par enfoncer les ultimes défenses du régime chancelant et précipiter sa chute, notamment après la grève du 12 janvier, à Sfax, marquée par une énorme marche populaire.
La manifestation du 14 janvier devant le ministère de l’Intérieur, à Tunis, donna le coup de grâce au pouvoir. La foule massive et déterminée grondait sa révolte au cri du désormais emblématique « Dégage ! ». Mais personne ne savait encore que les dés étaient jetés. D’aucuns le pensèrent en apprenant l’arrestation, à l’Aéroport de Tunis- Carthage, d’une trentaine de membres de « la famille ». Ce n’est qu’après l’annonce du départ de Ben Ali à destination de l’Arabie Saoudite que les Tunisiens surent avec certitude qu’une page de l’histoire de leur pays se tournait et qu’une autre s’ouvrait.