« A ce jour, personne ne peut s’aventurer à prédire approximativement la date des prochaines élections, tant que le processus électoral n’est pas encore déclenché », a souligné, mardi, Rafâa Ben Achour, directeur de l’Unité de recherche en droit international – juridictions internationales et droit constitutionnel comparé.
« Tant que l‘Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) n’est pas constituée, on ne pourra pas parler de déclenchement du processus électoral », a-t-il précisé lors d’une journée d’étude organisée, à Tunis, sur les enjeux du processus électoral.
Les Tunisiens, a-t-il indiqué, aspirent, depuis plus de deux ans, à un nouvel ordre constitutionnel démocratique, pluraliste et moderne susceptible de leur redonner confiance, de rétablir les valeurs de l’Etat civil, d’asseoir un climat de sécurité et d’amorcer un redressement économique et social.
« Depuis lors, les Tunisiens attendent la fin de réaction de la Constitution pour mieux encadrer le processus électoral, telles que les conditions d’éligibilité à la présidence de la République, les conditions d’éligibilité à l’Assemblée parlementaire et les principes de base du code électoral tunisien », a-t-il ajouté. Les échéances électorales, a-t-il affirmé, permettront le retour à l’ordre constitutionnel, la désignation de dirigeants qui décideront de l’avenir du pays à moyen et à long terme et la mise en place d’institutions pérennes soumises à un cadre constitutionnel moderne et démocratique.
Par ailleurs, Rafaâ Ben Achour a attiré l’attention sur le risque d’abstentionnisme lors des élections qui, a-t-il estimé, est réel et important, surtout que les différents sondages d’opinion révèlent un taux d’abstention proche de la moitié des électeurs.
« Ce phénomène est fort préoccupant dans un pays, où le citoyen est censé être assoiffé d’exercer son droit de choisir librement ses représentants », a-t-il constaté, faisant remarquer que l’abstention traduit la crise de confiance citoyenne dans tout le processus politique. Pour sa part, Hardy Ostry, représentant résident de la Fondation allemande Konrad Adenauer à Tunis a souligné la nécessité de développer une culture démocratique avant d’organiser les élections. « A quoi servent des élections sans des démocrates », s’est-il interrogé, soulignant la nécessité de préparer les candidats à entrer dans une compétition politique et à savoir accepter les règles du jeu pour aboutir à la mise en place d’un système démocratique et pluraliste.
Pour Mouna Kraiem Dridi, maître-assistante à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, la législation portant institution de l’Instance supérieure indépendante des élections est incapable, à ce stade, de garantir des élections libres, indépendantes et honnêtes.
« La commission de sélection des candidatures à l’ISIE doit se conformer aux décisions du Tribunal administratif, alors que les constituants doivent revoir la loi régissant cette instance, de manière à lui conférer plus d’autonomie », a-t-elle souligné. Evoquant le mode de financement de la campagne électorale, Fadhila Gargouri, juge près la Cour des comptes a mis l’accent sur la nécessité de consacrer le principe d’équité et de favoriser la transparence en termes de recettes et de dépenses.
A cet égard, elle a regretté que « le principe de transparence n’ait pas été respecté, lors des élections d’octobre 2011, expliquant que seulement 40% des candidats ont soumis leurs comptes à la vérification de la cour qui, a-t-elle dit, a fait état du non-respect du principe du compte unique et du recours de certains candidats à des sources de financement illégales (financement privé et étranger).
Elle a, également, estimé indispensable de revoir le système de financement public qui, a-t-elle déploré, a donné lieu à des infractions comme l’utilisation des financements publics à des fins non-électorales. Pour les prochaines élections, a-t-elle suggéré, « la cour des comptes recommande le recours au système de remboursement qui sera conditionné par la vérification du caractère électoral des dépenses, avec un seuil prédéfini que les listes doivent respecter ».
Le respect du calendrier électoral, le rôle des observateurs nationaux et étrangers, l’inscription des électeurs, le contentieux électoral, le code de bonne conduite réglementant la couverture médiatique pendant le processus électoral sont autant de sujets qui seront débattus lors de la journée d’étude organisée à l’initiative de l’Unité de recherche en droit international, juridictions internationales et droit constitutionnel comparé et la fondation allemande Konrad Adenauer Stiftung.