Bajbouj n’a pas du tout tort quand il avait déclaré au journal «Akher Khabar» que le président provisoire de la République, Mohamed Moncef Marzouki, peut poser problème aux protagonistes du dialogue national. Ecarté avec son parti le Congrès pour la République du dialogue national, Marzouki dispose, effectivement, de plusieurs cartes pour mettre les bâtons dans les roues. Le président du parti Nidaa Tounès rejoint ainsi son ancien ministre de la Défense, Abdelkerim Zebidi, qui se serait abstenu de présenter sa candidature à la présidence du gouvernement parce qu’il ne voulait pas collaborer avec l’actuel président provisoire.
Les appréhensions des deux semblent fondées lorsqu’on sait que contrairement à ce que croient certains, Moncef Marzouki dispose encore d’assez de prérogatives lesquelles, pour peu qu’elles soient mal exploitées, risquent de poser de sérieux problèmes au dialogue national.
Hélas, les Tunisiens ne sont pas au bout de leur peine. Après le problème Ali Larayedh et son gouvernement, voilà que surgit un autre problème, celui de la deuxième tête de l’exécutif, en l’occurrence Moncef Marzouki qui, en étant une composante du processus du 23 octobre de 2011, est aussi impliqué dans l’échec politique que connaît le pays.
Quant aux prérogatives du président de la République, rappelons que c’est à Marzouki que revient la nomination des hauts officiers et des diplomates. Et quand on sait que «notre président» est d’humeur changeante, les risques de dérapage sont possibles.
Au plan sécuritaire, Moncef Marzouki a à ses ordres une garde présidentielle disciplinée de 3.000 agents professionnels et armés jusqu’aux dents. Cette garde a fait ses preuves lors de l’assaut mené par les salafistes contre l’ambassade des Etats-Unis à Tunis. Sans son intervention la situation aurait été plus dramatique.
Est-il besoin de rappeler également que le président provisoire gère un budget assez significatif, environ quelque 90 MDT, soit presque quatre fois le budget de l’Assemblée nationale constituante (environ 22 MDT).
Le président provisoire est aussi le responsable le mieux informé sur la situation sécuritaire dans le pays. Il reçoit tôt le matin des rapports quotidiens sur l’état des lieux dans toutes les régions du pays.
Par ailleurs, Moncef Marzouk peut commanditer, à tout moment, à l’Institut tunisien des études stratégiques qui relève de ses attributions, études, scénarios, simulations, enquêtes et sondages sur les intentions de vote des Tunisiens et sur les chances réelles de chaque parti lors des prochaines échéances électorales.
Last and not least, le président provisoire, qui a eu la grande chance d’avoir été élu par moins de 20 mille Tunisiens, est au plan politique bien servi. Il est à la tête d’un parti politique, le Congrès pour la République dont l’écrasante majorité de ses responsables siègent à ses côtés à la présidence (Adnane Mansar, Aziz Krichene…).
Mieux, il a à sa disposition d’un groupe parlementaire qui manœuvre actuellement à courtiser des partis parasitaires pour constituer un nouveau bloc parlementaire aussi important que celui d’Ennahdha. Aux dernières nouvelles, ce nouveau groupe parlementaire sera composé de députés du CPR, du Courant démocratique, du mouvement Wafa, et du parti Liberté et Dignité.
Cela pour dire, in fine, que la classe politique tunisienne est sérieusement confrontée à un nouveau casse-tête, celui de Moncef Marzouki et ses collaborateurs (Imed Daimi, Tarek Kahlaoui, Sihem Badi, Abdelwahab Maatar, Slim Ben Hmidane, Samir Ben Amor…) qui ne veulent pas abandonner leurs privilèges à aucun prix.