Des sociologues et psychologues ont recommandé aux parents et aux éducateurs de discuter du phénomène du terrorisme avec les enfants pour limiter son influence négative sur leur psychisme.
Consultés par l’agence TAP, ces experts ont affirmé la nécessité de discuter avec l’enfant et de lui expliquer de manière simple la vérité sur les événements qui se déroulent autour de lui pour l’aider à surmonter les sentiments de crainte et d’inquiétude.
Depuis la révolution, la fréquence des actes de violences dans les différentes régions du pays a crée chez les Tunisiens des sentiments d’inquiétude et de crainte et un manque de confiance qui a atteint un niveau extrême avec l’assassinat du politicien Chokri Belaid, ont-ils estimé.
Cette situation ne cesse de s’aggraver suite aux différents événements violents qui ont traversé le pays, dont ceux du mont Chaambi dans le gouvernorat de Kasserine et à Sidi Ali Bou Oun à Sidi Bouzid, avec l’assassinat d’agents de la garde nationale et de l’armée.
Le président de l’Association tunisienne de défense des droits de l’enfant Moez Charif a recommandé d’informer l’enfant des événements qui se déroulent dans son environnement et de la situation exceptionnelle que traverse le pays. Il a insisté sur le rôle des parents et des éducateurs pour simplifier la compréhension du phénomène du terrorisme et dans la transmission d’une information vérifiée aux enfants afin qu’ils puissent dissocier entre la réalité, les rumeurs et les informations diffusées par différentes sources d’information telles l’école, les médias, l’Internet…
Il a aussi évoqué la nécessité d’informer l’enfant pour le préserver des images choquantes sur les tueries diffusées par la télévision ou l’Internet et de le protéger de toute forme d’enfermement psychique. « La rupture du dialogue risque de créer chez l’enfant un sentiment d’agressivité », a-t-il encore dit, appelant à mobiliser tous les efforts de l’ensemble de la famille éducative pour rassurer l’enfant et lui éviter de vivre dans la peur.
L’association tunisienne de défense des droits de l’enfant lance le 10 novembre courant une manifestation au Kef, qui sera par la suite organisée dans différentes régions du pays, pour sensibiliser les éducateurs et les enfants aux valeurs de citoyenneté.
De son coté, le sociologue Ridha Boukraa a insisté sur l’impact du comportement des adultes face aux violences sur le psychisme des enfants, appelant les parents et les éducateurs à faire preuve d’une maîtrise de soi et à contrôler leurs sentiments de peur et de panique devant les enfants qui risquent d’adopter ces mêmes comportements et de les intérioriser.
Le sociologue a recommandé d’engager la discussion avec les enfants concernant le phénomène du terrorisme et de leur expliquer qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle. “La sensibilisation des enfants à ces aspects permet de réduire l’impact de ces événements violents sur eux”, a encore dit l’expert mettant en garde contre les dangers de voir les enfants grandir dans un contexte de crainte et de frayeur.
Pour sa part la psychologue Lilia Tlili a affirmé que les parents sont appelés à trouver et à imaginer une manière simple pour expliquer les événements terroristes en adéquation avec leurs aptitudes psychologiques pour empêcher que la frayeur ne s’installe chez eux.
« Les réactions face aux actes de violence diffèrent selon la structure psychologique de chaque enfant », a-t-elle encore dit, soulignant que les enfants entament dès l’âge de cinq ans la découverte du monde extérieur et la construction de leurs mécanismes de défense.
Elle a aussi appelé à la nécessité de charger des psychologues pour encadrer les enfants au sein des établissements éducatifs et empêcher qu’ils ne soient entraînés par les idées extrémistes qui ont émergé après la révolution.
Pour ce qui est des répercussions des événements terroristes sur le comportement des enfants en milieu scolaire, les avis ont divergé. Mme Dorra Kamoun, professeur de français dans un lycée de la banlieue de Tunis, a indiqué que la révolution du 14 janvier a introduit un grand changement dans les comportements des élèves qui sont devenus, de manière générale, désobéissants et indisciplinés. Elle a toutefois relevé que ces comportements n’ont pas connu de grands changements suite aux opérations suicide perpétrées lundi dernier à Sousse.
Pour ce qui est de l’encadrement psychologique, Mme Kamoun explique qu’elle préfère éviter, en classe, les discussions relatives aux événements terroristes. Ce genre de discussions risque de dégénérer en débats politiques.
Elle a aussi considéré que l’éducateur se doit d’éviter ces questions et de se limiter à sa mission pédagogique et d’encadrement des jeunes, indiquant qu’elle a choisi de ne pas intervenir lorsqu’elle a constaté que « l’élevé avait subi un lavage de cerveau », a-t-elle dit.
De son coté, Mme Nadia Jouini, institutrice dans une école primaire dans le gouvernorat de Medenine, a relevé que les comportements des élèves de la première et deuxième année reflètent la peur et l’inquiétude que connaissent leurs parents.
Pour ce qui est de la position du syndicat en charge du secteur de l’éducation, le secrétaire général du syndicat général de l’enseignement de base Taher Thaker a souligné la gravité des événements terroristes qu’a connu la Tunisie et son impact négatif sur les enfants qui vont évoluer et grandir dans un environnement où la sécurité n’est pas garantie. Il a aussi affirmé la nécessité d’adopter les mesures nécessaires pour empêcher toute tentative d’immixtion des enfants dans les luttes idéologiques et sur la nécessité de tenir l’institution scolaire loin des querelles politiques.
Il a évoqué les tentes qui ont été installées durant de longues périodes devant les établissements éducatifs qui ont eu une grande influence sur la manière de penser des élèves et leur initiation aux idées étrangères à notre culture et à la société tunisienne. Il a aussi appelé les responsables dans les institutions éducatives à ne pas permettre à certaines associations qui s’activent dans le domaine de l’enfance d’organiser des activités qui risquent d’influencer négativement les enfants.
Il a proposé dans ce contexte de procéder à une révision des programmes éducatifs et de les rectifier de manière à ce qu’ils contribuent à la construction de la personnalité d’un enfant capable de réfléchir et de faire la différence tout en étant conscient des événements qui se déroulent qui l’entourent afin qu’il ne soit pas victime d’idées négatives qui constituent une menace sa sécurité de manière directe ou indirecte.