La Tunisie est appelée à élaborer un nouveau modèle de développement inclusif et durable et à renforcer sa capacité d’adaptation face aux crises, a recommandé la Banque Africaine de développement (BAD) dans son rapport annuel 2013 sur l’Afrique du Nord.
Cette recommandation a été partagée par les experts et représentants du secteur privé présents à une conférence- débat, organisée mercredi, à Tunis, pour présenter et débattre de ce rapport intitulé : « croissance inclusive et intégration en Afrique du nord ».
Pour M.Chedly Ayari, Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie(BCT), il serait utile au cours de la période de transition (8 mois à venir) de mettre en place un plan de développement de moyen terme, à même de cadrer les perspectives de croissance sur la période (2015-2020), relevant que depuis 2011, « la Tunisie navigue à l’aveuglette et élabore des budgets économiques sans vision claire».
Il a rappelé que le gouvernement de Béji Caid Essebsi a élaboré un plan de développement, baptisé « plan jasmin » pour préparer le terrain au gouvernement qui va le succéder, sauf qu’il a été abandonné par ce dernier. Poursuivant dans le même contexte, M.Jaloul Ayad, ex- ministre des finances dans le gouvernement d’Essebsi a fait état d’une continuité niée entre les gouvernements mis en place en Tunisie depuis la révolution, soit 5 gouvernements en trois ans, selon ses dires.
Selon M.Ayad, dont le nom figure parmi les candidats au poste du chef du prochain gouvernement, il est temps de changer de modèle économique, qui a longtemps négligé les PME et les TPE (très petites entreprises) alors que celles-ci représentent 98% du tissu économique de la Tunisie et assurent 70% de l’emploi dans le pays.
Le nouveau modèle de développement doit mettre l’accent sur la promotion de l’investissement privé afin d’assurer la transition d’une économie de transformation à une économie à forte valeur ajoutée, a précisé M. Ayad.
Il a appelé, en outre, à procéder «à un arbitrage entre ce que doit être fait par l’Etat ou par le secteur privé en matière d’investissement», arguant qu’il est impossible de résoudre les problèmes de chômage et de développement régional en recourant aux investissements publics».
Il a appelé également, le gouvernement à « faire un arbitrage intelligent entre le politique et les défis économiques auxquels le pays est confronté ». Dans son rapport, la BAD a fait ressortir, également, une capacité d’adaptation limitée de l’économie tunisienne, laquelle se reflète, notamment, à travers l’aggravation du déficit budgétaire et du déficit de balance commerciale et une baisse des réserves de change.
Cette fragilité est influencée selon Vincent Castel, économiste principal à la BAD, par un certain nombre de «vulnérabilités structurelles et induites ».
Il a précisé que les « vulnérabilités structurelles », sont liées essentiellement à la forte dépendance du pays par rapport à l’Union européenne notamment, en matière de commerce, de tourisme, d’investissements étrangers et d’envois de fonds par les travailleurs migrants.
En ce qui concerne les vulnérabilités induites, il a évoqué en particulier l’accroissement des transferts sociaux, la hausse de la masse salariale, l’augmentation des subventions alimentaires et d’hydrocarbures et l’allègement fiscal. Pour lui, ces vulnérabilités dues aux réformes engagées à court-terme, pour faire face aux crises, limitent la capacité de l’Etat à réagir sur le long-terme. Pour Mme Douja Gharbi, vice présidente de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) le manque de sécurité et le terrorisme constituent facteurs de fragilité supplémentaire pour le pays.
Les participants au débat ont été unanimes pour souligné la nécessité de réviser le système de compensation en orientant les subventions vers ceux qui ont en vraiment besoin. Selon M. Ayad, les dépenses de compensation s’élèvent à près de 7000 MD et non à 4000 MD, tel que annoncé par le gouvernement.