Les centres intermédiaires de prise en charge de la santé mentale souffrent “d’une répartition déséquilibrée et d’une absence totale de psychiatres et de psychologues dans les structures hospitalières régionales”, révèle un état des lieux effectué dans le cadre du projet de la stratégie nationale de promotion de la santé mentale en Tunisie, actuellement en discussion.
“Des lacunes ont été particulièrement enregistrées au niveau du nombre réduit de ressources humaines spécialisées dans la prise en charge psychiatrique”, a précisé Dr Saida Ouenich, chef de service de la santé mentale au ministère de la santé.
En juillet 2013, le ministère de la santé compte 115 psychiatres, 118 psychologues et 39 travailleurs sociaux, dont la majorité exercent dans la capitale.
On note aussi que seuls deux services de pédopsychiatrie, avec hébergement, sont disponibles à Tunis et à Sfax.
Les défaillances sont aussi constatées de par le manque d’études et d’enquêtes réalisées sur la santé mentale en Tunisie, précise Dr Ouenich, qui relève toutefois que la réalisation de ces études et d’une banque de données figurent parmi les recommandations de la stratégie et du plan d’action pour la promotion de la santé mentale en Tunisie.
Le projet de la stratégie prévoit de remédier, à l’horizon 2018, à ces défaillances en veillant, notamment, à assurer une offre équitable en matière de prestations psychiatriques.
Il s’agit aussi d’élaborer un programme de prise en charge adapté à la population à risque, d’améliorer la qualité de la prise en charge des malades mentaux et le repérage des groupes sociaux vulnérables tout en veillant à développer l’information et la recherche dans ce domaine.
Pour Dr Mounira Massmoudi Nebli, inspecteur divisionnaire de la santé, il est impératif d’accorder à la question de la santé mentale du tunisien un intérêt particulier. “Le Tunisien vit, aujourd’hui, une situation d’incertitude et un flou pour ce qui est de son avenir d’où un sentiment d’anxiété, de dépression et une multiplication des troubles psychosomatiques”, a-t-elle estimé.
Les problèmes de santé mentale trouvent aussi leurs origines dans des causes liées au chômage, à la pauvreté et à l’instabilité politique, a-t-elle ajouté.
“Une mauvaise interprétation de la liberté peut aussi induire à des troubles mentaux”, a-t-elle expliqué, citant l’exemple des élèves qui optent pour des comportements à risque avec la consommation de drogues, d’alcool ou encore le tabagisme. “Une voie qui peut mener à la détérioration de leur santé mentale”, a-t-elle souligné.
La question de la santé mentale et des troubles psychologiques est d’actualité. Elle sera abordée lors du 37ème congrès national de médecine, organisé à Tunis à l’initiative de la société tunisienne des sciences médicales les 25 et 26 octobre prochain. Ces assises auront pour thème “la dépression”.
La thématique est d’autant plus importante que d’ici 2020, la dépression sera la 2ème principale cause de morbidité dans les pays à revenu intermédiaire. Elle se situe actuellement au 4ème rang, selon des documents publiés par l’OMS.
Selon cette organisation internationale, près de 450 millions de personnes souffrent de troubles mentaux ou de comportements qui frappent au moins un quart de la population à un moment ou un autre de leur vie.
En Tunisie, un rapport publié en 2005 par la direction de santé de base (DSSB), a montré que les troubles mentaux représentent 30 à 40pc des motifs de consultation de 1ère ligne.
La promotion de la santé mentale est tributaire d’une approche multidisciplinaire et d’une action commune des différentes parties, a précisé Dr Ouenich, évoquant le rôle qui incombe à l’enseignant et aux parents.
Des campagnes de sensibilisation, a-t-elle expliqué, ont été menées dans le milieu scolaire incitant instituteurs et enseignants à dépister les cas de troubles mentaux chez les élèves et à les orienter vers les structures concernées.