Dans une interview accordée à WMC, Me Maher Boujeh, avocat près la Cour de cassation à Tunis, est revenu sur les nouvelles mesures interdisant les femmes tunisiennes de moins de 35 ans de voyager.
Consterné par les témoignages de jeunes tunisiennes ayant été empêchées de quitter le territoire tunisien, à cause de «l’existence» d’une circulaire relative à la demande d’autorisation parentale ou du mari, Maher Boujeh affirme: «Aucune circulaire ni loi ne peuvent exiger cette autorisation qui ne repose sur aucun fondement légal.
D’ailleurs, tous les fondements de droit issus de la loi tunisienne ne permettent aucunement de les limiter par de “simples“ circulaires. Nous sommes devant un abus de pouvoir, abus de droit, une forme de ségrégation, de non respect des règlements, d’atteinte à la Constitution…?»
Selon lui, cette pratique est en contradiction totale avec le Code du Statut Personnel(CSP), avec celui des obligations et des contrats et le Code pénal qui précise l’âge de la majorité.
«Dans un pays dictatorial, les lois sont faites pour vider la Constitution de sa substance. Il faut comprendre que dans ce cas-ci, ce sont les circulaires qui vident à leur tour les lois de leurs substances», a-t-il ajouté.
En cas d’interpellation, l’avocat près la Cour de cassation, préconise «des plaintes en pénal contre ces agents au lieu de celles contre le ministère en tant qu’entité sauf pour demander des dommages».
Et d’expliquer: «A partir de là, les agents s’interdiront ces abus sans notes administratives écrites, auquel cas cela donnera l’occasion aux citoyens d’avoir un support légal pour un recours. Ils pourront éventuellement montrer les notes pour justifier de leurs décisions “illégales” et comportements “hors la loi“. Comme le non-respect de la loi n°40 du 14 mai 1975 régissant la délivrance des passeports. Ce droit est limité à la demande du parquet ou suite à une atteinte sérieuse à la réputation de la Tunisie (art 13)».
L’avocat ajoute : «Malgré cela, toute personne demandant l’émission d’un passeport avec des antécédents judiciaires se voit automatiquement demander un bulletin numéro 3 vierge, avec ce qui s’en suit comme démarches liées à l’amnistie ou à la radiation des peines inscrites après un certain délai auprès du ministère de la Justice. Cela peut être, à mon sens, assimilé à une double peine illégale d’autant plus qu’elle n’est inscrite nulle part!».
Il rappelle que la seule autorité à même d’interdire la sortie du territoire à un ressortissant, c’est la justice. Cependant, «le ministère de l’Intérieur peut interdire le voyage pour des considérations de sécurité nationale dument justifiées. Ces restrictions sont alors nominatives et ne peuvent porter sur des catégories de gens».
A la question «Cette restriction faite aux femmes ne place-t-elle pas la Tunisie dans la catégorie des pays qui malmènent les femmes et méprisent leurs citoyens», Maher Boujeh estime: que «cette limitation est tellement scandaleuse et révoltante qu’on se sent revenir à l’âge de la pierre. C’est aberrant de voir la Tunisie revenir en arrière comme certains pays arabes qui exigent l’autorisation d’un parent ou l’accompagnement d’un “Mahram“ pour pouvoir quitter le pays.
De ce fait, et conclusion de l’interview, Me Boujeh pense que «si on ne fait rien contre cette circulaire, qui fait autant de bruit, dont tout le monde parle et que personne n’a vu, ce sera un premier clou dans le cercueil de nos acquis et surtout dans ceux de la femme tunisienne. Il ne fait aucun doute que la dictature et les passe-droits sont sortis par la porte un certain 14 janvier pour revenir juste après par la fenêtre!»
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