Tourisme : Le coup de grâce !

Lorsque l’on demande à Wahid Brahim, ancien directeur général de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), quelles sont les implications de l’assassinat de Mohamed Brahmi sur le tourisme, il répond non sans une pointe d’amertume: “Quoi? Quel tourisme?“ C’est dire combien celui-ci n’est plus d’actualité. C’est dire le désarroi dans lequel se trouvent tous les intervenants directs et indirects dans le tourisme tunisien.

Baker Ben Fredj est artiste peintre et s’active dans le centre-ville de Hammamet, il ravale difficilement sa salive en cette canicule ramadanesque et avoue: «Je vais fermer mon atelier. Je ne fais que payer les loyers. Cette année, comme celles précédentes sont nulles. Heureusement que je vends quelques œuvres à Tunis. Pas de touristes, pas de passants, pas de ventes… Rien. Hammamet se meurt».

Bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer les répercussions de l’assassinat du député Mohamed Brahmi sur le mois le plus important de l’année, août, les commençants rient jaune de cette saison qui s’annonçait déjà pas très bonne à cause de ramadhan, de l’image négative du pays, de la crise en Europe, des indications d’éviter de quitter les hôtels, d’où l’abstention de choisir la destination.

Ils sont d’autant plus inquiets par l’annonce de la voiture piégée qui a explosé à La Goulette le jour de l’enterrement de feu Brahmi. Les assassins ne se contentent plus de liquidation ciblée, ils passent au meurtre en masse. Ils s’attaquent à La Goulette pour sa symbolique religieuse, mais aussi et surtout parce que c’est le cœur palpitant du tourisme de croisière. Autant dire une autre menace qui vaut son impact sur l’économie tunisienne qui plonge au plus bas avec une Bourse qui s’effondre et une chute sans précédent du dinar.

Mohamed est commerçant aussi à Hammamet. D’inquiet, il passe à paniqué et désespéré. Il avoue: «On attend les Algériens. On espère qu’ils vont venir mais avec ce nouvel assassinat, cela est bien compromis ! Comment allons-nous nous en sortir? Comment allons-nous nourrir nos enfants et attendre jusqu’à la saison prochaine si toutefois il y en a…».

Saisonnier, le tourisme tunisien fait le plus gros de son chiffre en haute saison, à savoir juillet et août. L’arrière-saison fait souvent la différence dans les réserves des entreprises et les poches du près d’un million et demi de gens qui vivent du tourisme. Mais elle aussi semble compromise au vu du contexte politique du pays. Entre la rentrée scolaire qui s’annonce chaude et la date du 23 octobre qui sera probablement très chahutée, la saison de la thalassothérapie, du tourisme golfique et culturel soulève déjà de grandes inquiétudes

Thomas est agent immobilier. Sa vision du quotidien va dans le même sens. Il n’en revient pas de cette saison blanche: «Je n’ai fait que quelques locations qui ne payent ni mes charges ni peuvent sauver mon entreprise. Comment vont faire les populations pour qui les locations saisonnières sont vitales pour clore leurs budgets de l’année…».

Farida se pose quant à elle des questions sur l’absence des Tunisiens résidents à l’étranger. Où sont-ils? Pourquoi ne viennent-ils pas?

Le tourisme paye de façon générale un lourd tribut à la phase de transition démocratique. Certains pensent que Hammamet en paye un plus lourd encore. Revanche des temps où la ville était la chouchoute de l’ancien régime ou conséquences de certaines manifestations spectaculaires comme celle de prédicateurs haineux, de manifestations de radicaux islamistes?

En attendant d’y voir plus clair, les opérateurs touristiques sont en train de finir un mois de juillet morose. Il est, selon Mouna Ben Halima, hôtelière à Hammamet, «le pire depuis plus de 30 ans». Sousse et Mahdia se portent légèrement mieux alors que Djerba et Zarzis plongent et certains affichent jusqu’à -50% par rapport à l’année écoulée.

Le tourisme tunisien n’a pas fini de toucher le fond. Maintenant serait-il décent de se poser des questions sur son état alors qu’une grande partie du pays se soulève contre une transition démocratique qui prend l’eau?

Article publié sur WMC