Le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a révélé que les expertises techniques de police criminelle et les examens balistiques des douilles retrouvées sur la scène de crime à la suite de l’assassinat du chef de file du Courant populaire Mohamed Brahmi ont permis d’établir qu’il a été “abattu avec la même arme qui avait servi à assassiner Chokri Belaïd, un pistolet semi-automatique de 9 mm”.
Lotfi Ben Jeddou s’exprimait, vendredi, en milieu de journée lors d’une conférence de presse tenue au siège du ministère de l’Intérieur, pour faire la lumière sur l’avancement de l’enquête sur ce crime. “Brahmi a été atteint de 14 balles, dont 9 dans la partie inférieure gauche du corps. Il est mort à 12h32 à l’hôpital Mahmoud El Materi de l’Ariana, une vingtaine de minutes après avoir été pris pour cible”, a-t-il indiqué.
Les investigations policières ont démontré qu’un élément salafiste radical, un certain Boubaker Hakim, également mis en cause dans des affaires d’introduction d’armes en contrebande dans le pays, est directement impliqué dans ce crime avec un autre individu dénommé Lotfi Ezzine, a ajouté le ministre, faisant état de nombreux points de similitude du mode opératoire dans l’assassinat de Brahmi et de Belaïd, de la reconnaissance des lieux au passage à l’acte, en passant par l’observation de la cible et même le moyen de locomotion utilisé, en l’occurrence un scooter de type Vespa.
Selon le ministre de l’Intérieur, les vérifications policières en rapport avec l’interrogatoire de l’accusé Saber Mechergui, placé en détention dans le cadre de l’affaire de la découverte d’un dépôt d’armes à Mnihla, ont permis d’établir l’implication de Hakim dans l’assassinat de Chokri Belaid et sa relation avec Kamel Gadhgadhi, le meurtrier de Belaid, ce qui porte à 14 le nombre d’accusés, tous des salafistes radicaux.
Ben Jeddou a d’autre part indiqué que la police avait investi et perquisitionné récemment le domicile d’une des proches de Boubaker Hakim, à la Cité El-Ghazala, où ce dernier était logé. Hélas, a-t-il regretté, ce dernier s’en était échappé peu de temps avant l’assaut mais des armes ont été saisies: un pistolet, deux grenades, une arme blanche et quelque 90 cartouches.
Après avoir précisé que certains prévenus avaient été actifs dans la mouvance d’Ansar Charia (d’obédience jihadiste), le ministre a estimé que l’interpellation des éléments encore en fuite “permettra de s’assurer si la décision d’éliminer physiquement Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi a été prise au niveau d’une cellule dérivée de l’organisation ou par la “Jamaâ” (décision collégiale).
Ben Jeddou s’est dit persuadé que la remise en liberté d’un certain nombre d’auteurs de crimes à la faveur de l’amnistie générale comme les membres du groupe de Soliman, de même que le retour en Tunisie d’un grand nombre de jihadistes en provenance de maints foyers de tension de par le monde “ont conduit ces gens à se regrouper et à s’entraider pour introduire des armes dans le pays et créer des camps d’entraînement dans les maquis montagneux pour “tenter de faire basculer le pays dans le chaos”.
Le ministre de l’Intérieur s’est dit persuadé que la découverte de dépôts d’armes à Médenine et à Mnihla et l’interpellation et la traduction en justice d’un grand nombre de jihadistes à Rouhia, au Chaambi et ailleurs “ont sans doute fait avorter leur plan consistant à faire de la Tunisie un des bastions d’Al-Qaida.
Lotfi Ben Jeddou a, en outre, indiqué que le ministère de l’Intérieur avait pris ses dispositions pour sécuriser les funérailles du martyr Mohamed Brahmi, appelant d’autre part les manifestants et autres protestataires à “faire en sorte que leurs mouvements soient pacifiques pour ne pas offrir d’aubaine aux fauteurs de troubles”.
En réponse à la question d’un journaliste, le ministre a indiqué que son département remplit une activité de renseignement “de qualité”. “Nous avons hérité de l’ancien régime une administration excelemment d’aplomb”, a-t-il déclaré en substance, faisant remarquer toutefois que la création d’un puissant organisme de renseignement ne pouvait pas être décidée en période de transition mais pourrait figurer dans la Constitution, avec délimitation prècise de sa mission et des parties susceptibles de le superviser.
Le ministre a, également, fait savoir, en réponse à une autre question, que Brahmi “n’avait jamais demandé une protection policière et n’avait jamais fait état de menaces de meurtre”, faisant valoir d’autre part qu’en termes de ressources humaines, il serait impossible d’assurer une protection policière personnelle à toutes les personnalités nationales.
Présent à cette conférence de presse, le directeur général de la sûreté publique a indiqué que la présence sur le territoire tunisien de six des éléments impliqués dans l’assassinat de Chokri Belaïd est établie et que les services sécuritaires s’emploient à les capturer et à les déférer à la justice.