La contribution des sociétés d’investissement à capital risque (SICAR) et des Fonds communs de placement à risque (FCPR) au financement des entreprises, a régressé, en moyenne, entre 25% à 30% au cours des trois dernières années en raison, du tarissement des viviers de «bons projets» à financer, d’après M. Karim Ghenim, PDG de BIAT capital risque et président de l’Association tunisienne des investisseurs en capital (ATIC).
Le responsable impute également la baisse de la contribution de ces principaux acteurs du capital investissement, en Tunisie, à l’attentisme des investisseurs face à l’instabilité de la situation économique.
Le montant de ladite contribution est ainsi passé de 140,2 millions de dinars (MD) fin 2011 à 109,6 MD en 2012, alors qu’il était de l’ordre de 188,8 MD à fin 2010, a ajouté le responsable dans une interview accordée à TAP.
Le capital investissement ou private equity est une activité financière consistant pour un investisseur financier à entrer dans le capital d’entreprises innovantes en forte croissance, généralement non cotées, en vue de réaliser des plus values à terme, à sa sortie, a rappelé M. Ghenim.
Le cycle de vie d’un fonds de private equity est de 10 ans en moyenne, dont 5 ans d’investissement et 5 ans de désinvestissement, a-t-il précisé. Le responsable a imputé, également, la baisse des libérations en capital des SICAR à la lenteur des procédures administratives avec pour corollaire une augmentation du délai entre l’approbation du financement du projet et la libération effective du capital par l’investisseur financier.
La crise de liquidité des banques qui cause un retard de bouclage du schéma de financement de l’entreprise en la matière, figure également parmi les causes évoquées par le responsable. M. Ghenim a relevé, en outre, la rigidité du cadre réglementaire régissant le métier, relevant que l’ATIC a présenté au législateur une étude critique du cadre législatif en vigueur et proposé certaines recommandations à même de parer aux dysfonctionnements détectés.
Depuis 1996, date de création des SICAR, l’accent a été mis sur la création d’entreprises, marginalisant ainsi la fin du cycle de vie de l’entreprise. «Il ne faut marginaliser aucune phase du cycle de vie de l’entreprise, il faut faire de telle sorte que l’entreprise puisse accéder au financement à chaque étape de son cycle de vie », a-t-il soutenu.
Il a précisé que le capital investissement doit couvrir toute la chaîne de financement de l’entreprise allant du capital risque qui finance la création de l’entreprise, au capital développement (entreprise en croissance), au capital transmission jusqu’au capital retournement (financer le redressement des entreprises en difficulté), sauf qu’en Tunisie, seul le capital risque est développé, a-t-il dit.
Autres défaillances réglementaires, évoquées par le responsable, l’obligation aux SICAR de n’utiliser que les actions ordinaires comme principal instrument financier, alors qu’il existe d’autres instruments à même de développer le métier mais qui ne sont pas prévus par la législation, selon ses propos. Il s’agit des actions de préférence, des obligations convertibles en actions, des stock-options, des Bons de souscription d’actions (BSA), des outils financiers qui ont prouvé leurs résultats en la matière dans plusieurs pays, tels que les Etats unis d’Amérique, le Canada, l’Europe et même le Maroc, a-t-il argué.
M. Ghenim a, cependant, noté que depuis fin 2011, un dialogue constructif entre les professionnels du métier et le législateur a commence à s’établir pour assouplir davantage la législation régissant le capital investissement. Sur un autre plan, le responsable a appelé à revoir la stratégie nationale en matière de financement d’innovation.
En effet, a-t-il estimé, le Fonds de promotion et de décentralisation industrielle FOPRODI, dispositif créé par l’Etat pour faciliter le bouclage du financement des promoteurs, «s’est avéré inadéquat et présente des limites au niveau de la sortie pour la SICAR».
Les fonds de capital risque disposent de plusieurs voies de sortie, dont la sortie industrielle ou dite stratégique (cession des parts de la société sur le marché secondaire) et l’introduction en bourse, a encore expliqué le responsable.
Actuellement, très peu d’opérations de sortie des SICAR sur la bourse ont été enregistrées, bien que les premiers responsables de la bourse avaient déclaré être prêts à simplifier la sortie des SICAR.
Sur ce point, M. Ghenim a indiqué que la sortie du capital risqueur se fait en général par le rachat par l’entrepreneur de la participation au capital de la SICAR, dans le cadre d’une convention de portage conclue entre les deux parties et fixant les modalités et les délais de réalisation de la rétrocession des parts des SICAR, et ce, conformément à la loi 92 de 1988 relative à l’activité des SICAR.
Cette loi a été amendée en 2008, de manière à ce que la convention de portage ne stipule pas de garanties hors projets ou des rémunérations dont les conditions ne sont pas liées aux résultats du projet. Les participations en question ne doivent pas constituer également la majorité du capital.
Cet amendement en plus de la reconnaissance, en 2009, par le législateur du pacte d’actionnaire, qui régit la relation entre la SICAR et le promoteur en général, devront permettre d’observer un plus grand nombre d’opérations de sorties des SICAR sur la bourse à partir de 2015, délai nécessaire pour entamer la phase de désinvestissement avec le nouveau contexte juridique, a-t- il affirmé.
Le pacte d’actionnaire est un contrat de gré à gré entre l’investisseur financier et le promoteur qui réglemente la géographie du capital social et la gouvernance de l’entreprise et détermine la chronologie des sorties des SICAR. Partageant l’avis de M. Ghenim, M. Abderraouf Boudabous, conseiller auprès de la direction générale de la bourse de Tunis, chargé du développement du marché, a indiqué que les sorties des SICAR sur la bourse auront tendance à se développer à l’avenir, et ce, dès l’entrée en vigueur de la convention de portage, telle qu’amendée en 2008.
Il est revenu sur les causes du faible nombre des opérations de sortie des SICAR sur la bourse, citant pour l’essentiel la nature familiale des entreprises tunisiennes avec pour corollaire le rachat des participations de la SICAR par le promoteur lui-même et le peu d’ouverture de l’entreprise tunisienne sur le marché financier, selon ses propos.
Les entreprises ciblées par les SICAR sont pour la majorité des PME innovantes en phase de création, ce qui ne correspond pas parfaitement au profil des entreprises introduites en bourse, généralement, en quête de financement pour le développement de leurs activités (extension, conquête de nouveaux marchés..), a encore expliqué le responsable.
Toutefois, a-t-il souligné, le marché alternatif de la bourse a été créé en 2007 pour faciliter, principalement, les sorties des SICAR sur la bourse, à des conditions d’admission très souples. Il a mis l’accent sur le rôle des SICAR dans l’ancrage de la culture de la transparence au sein de l’entreprise (publication des états financiers, élaboration d’un plan d’affaires, bonne gestion ), dans l’objectif de lui faciliter la sortie sur le marché financier sans difficulté.
En Tunisie, le secteur du capital investissement compte 46 acteurs, dont 16 SICAR bancaires, 6 SICAR régionales, 16 SICAR de groupes et 8 fonds de capital investissement.