La friperie constitue une aubaine pour de nombreux tunisiens, découragés par l’enchérissement des prix du prêt-à-porter et aussi déçus par un rapport qualité-prix largement incompatible, alors qu’elle est un fardeau pour l’Etat, puisque le déficit de la balance commerciale du secteur de la friperie, se monte à près de 73 millions de dinars (MD).
En effet, la Tunisie importe annuellement, en moyenne pour 110 MD de vêtements usagés, alors qu’elle n’en exporte pour une valeur moyenne de 37 MD, a indiqué à la TAP, Makrem Dridi, inspecteur des affaires économiques, à l’Office de Commerce de la Tunisie (OCT).
Jusqu’à l’heure actuelle, les nouvelles autorisations dans ce secteur sont gelées, a t-il précisé, mais malgré cela, les commerçants continuent d’exercer ce métier et les consommateurs des vêtements d’occasion manifestent toujours, un grand engouement pour ces habits qui sont à la portée de leur bourse.
Non loin du centre ville de Tunis, au marché de la cité Ettahrir, les commerçants de la friperie, se retrouvent, chaque Samedi, au cur d’une foule de clients dont la plupart sont des femmes, qui s’agglutinent devant leurs échoppes, pour s’emparer des premières balles de vêtements.
Chez Hamza, jeune fripier de 26 ans, une cinquantaine de femmes, de différentes catégories sociales, venant de zones d’habitations trés diverses, attendent, impatiemment, le déballage de ses nouveaux lots cachetés de vêtements de friperie, en provenance des grossistes de la cité Monji Slim.
Pour ces femmes, les marchés de la friperie sont devenus une alternative, même si parfois, les prix de l’offre ne sont pas très éloignés, de ceux des magasins.
La Friperie, une bonne alternative pour les vêtements de marque —————————————————————– «Je ne peux rater aucun nouvel arrivage, presque chaque samedi, il faut que je sois parmi les premiers venus, pour pouvoir rafler les meilleurs articles», s’est écriée Yosra, jeune fille de 30 ans.
«C’est vrai que c’est de seconde main, mais ce sont des vêtements de marque, à la mode et surtout à des prix abordables, Ici, je peux payer entre 500 et 700 dinars par mois pour acheter une variété d’articles de marque. Par exemple aujourd’hui, j’ai acheté 4 robes à 30 dinars chacune, deux chaussures d’enfants neuves de marque à 30 dinars, la paire, et 10 foulards originaux à 15 dinars l’unité », a-elle précisé.
La friperie fait, aussi, le bonheur de Hinda, 25 ans, institutrice dans une école privée, qui ne rate jamais l’occasion de l’ouverture des lots de vêtements d’occasion.
«c’est seulement sur ces étals que je peux acheter des articles de marque, de qualité supérieure aux vêtements fabriqués sur le marché local» s’est-elle estimée.
En moyenne, Hinda consacre près de 500 dinars par mois pour son shopping des vêtements à la friperie.
Comme toutes ces femmes, Faten, femme au foyer trentenaire, qui habite Carthage (banlieue Nord chic de Tunis) consacre souvent, la matinée du samedi, à la friperie de la Cité Ettahrir, pour se fournir en vêtements, pour elle et pour son petit enfant.
«Ici, je trouve les bons articles, surtout les vêtements pour les enfants, sans me casser la tête, ni perdre beaucoup de temps», a affirmé, la jeune femme.
Certains ont, même, complètement renversé la donne pour n’acheter de vêtements que chez les fripiers.
« Ces dernières années, je n’achète les habits de l’Aid qu’auprès des marchés de la friperie. Aujourd’hui, je suis là pour acheter les vêtements de l’Aid pour mes enfants, car leurs prix deviennent très élevés, au cours de cette période », a avancé Mounira.
« Voici une robe neuve pour fillette, son prix ici ne dépasse pas les 20 dinars, alors qu’elle est vendue à 100 dinars et plus sur le marché local ».
Pour Tefaha, quinquagénaire, même avec la hausse des prix enregistrée chez les marchands de la fripe, elle n’achète que rarement des vêtements neufs, car elle considère qu’ils ont toujours, de bonnes affaires, ce qui lui permet une épargne considérable.
Au sujet de la hausse des prix des vêtements d’occasion, certains marchands l’ont imputé à l’émergence de la clientèle algérienne.
D’après son expérience de 5 ans dans le domaine de la friperie, héritée de ses grands-parents, Hamza a estimé que les algériens achètent les vêtements d’occasion de Tunisie, pour les revendre, à des prix plus élevés, dans leur pays.
«Ceci a crée de l’inflation sur le marché, puisque les algériens achètent plus cher que les tunisiens», a-t-il expliqué.
Les grossistes de cité Ezzouhour confirment également, la tendance haussière des vêtements de la friperie. «Auparavant, le secteur était plus rentable qu’aujourd’hui, les marchandises deviennent très chères et les recettes ne couvrent même pas, nos charges”, a affirmé Abdessalem, grossiste de vêtements d’occasion.
Pour Bilel Amri, commerçant de gros de 31 ans, cette hausse est due essentiellement au payement des taxes et des droits de la douane, précisant que” cette charge n’était pas auparavant, acquittée car l’entrée des vêtements usagés était assurée par la famille Trabelsi”.
« Aussi, la dépréciation du dinar tunisien est un facteur déterminant de la hausse des prix », a ajouté, Moez Hannachi.
Les vêtements usagés importés ne sont pas uniquement destinés à la consommation locale, mais aussi, à l’exportation et à la transformation, alors qu’en réalité, le marché local est saturé par les vêtements usagés, a expliqué, l’inspecteur des affaires économique à l’OCT.
«Les quantités de vêtements usagés triées, après importation et qui sont destinées à la consommation locale, ont dépassé le quota autorisé, soit 10 500 tonnes, correspondant aux 12% de la consommation nationale de textile. Ceci n’affecte pas seulement la balance commerciale mais également, la compétitivité du secteur du textile habillement (TH) », a-t-il relevé.
L’ensemble des 46 sociétés du secteur, partiellement exportatrices, sont dans l’obligation d’exporter au moins 30% des marchandises importées et de transformer au minimum, 20% de ces vêtements, en chiffons et fibres textile. En réalité, sur 120 mille tonnes d’importations annuelles de fripes, la moyenne des quantités transformées, soit 38 mille tonnes, n’a pas atteint les 20% requis et les quantités exportées n’ont pas dépassé, 44 mille 400 tonnes.
Même dans cette situation, “les demandes d’obtention d’autorisations pour l’exercice de ce métier se sont élevées, après la révolution, à 300 demandes et ce en dépit de la décision du ministère de geler l’octroi des autorisations”, a-t-il conclu.
«Aujourd’hui, la question de la pérennité du secteur est mise sur la table», a-t-il fait savoir, “sachant que cette activité fait vivre entre 5000 et 5300 personnes travaillant dans les sociétés de Friperie, en plus de 170 grossistes et 4000 détaillants, selon les statistiques de l’OCT”.
Actuellement, a-t-il ajouté “le ministère du commerce en coordination avec les ministères des finances et de l’industrie, a préparé un projet visant la révision du cadre juridique régissant le secteur”, précisant que “certaines problématiques seront étudiées dans le cadre de ce projet, telles que le contrôle du secteur (économique, financier et aux frontières), les critères fixés pour l’octroi des autorisations d’importation et les quotas alloués aux entrepôts industriels (sociétés), grossistes et détaillants”.